Champagne-théâtre !

Traditionnellement, les cafés-théâtres de Lyon font salle comble pour la Saint-Sylvestre. Les spectacles les plus prisés au cours de l'année s'habillent de cotillons et se démultiplient tout au long de la nuit. Nadja Pobel


Pas moins de 19 spectacles seront au programme de la nuit du 31 pour 39 représentations. Car certains d'entre eux se jouent trois fois voire quatre, comme l'envisage le Nombril du monde avec «Ils s'aiment» à l'occasion du 18e anniversaire du lieu. Les cafés-théâtres investissent même d'autres salles que les leurs afin de proposer un maximum de spectacles différents. Le Boui-Boui sera aussi au Complexe de la ficelle pour Arrête de pleurer Pénélope 1 et 2 et au Rideau rouge, sa traditionnelle deuxième salle pour Sans elles. Au Palais des Congrès, outre le lelouchien Homme-femme mode d'emploi, il y aura une version masculine à l'inter-planétaire Monologues du vagin. Voici venir les Les Monologues du pénis avec le trio intello-macho-homo selon l'annonce de l'affiche. Dans la chaleureuse cave du Boui-Boui, Yann Guillarme continuera à tailler un costard à la télévision avec La Ruée vers le 7 d'or. Il s'amuse à étriller tous les genres télévisuels (rubriques astrologie, rencontres, jeux...) et caricature à gros traits l'animateur d'émissions culturelles avec des lunettes noires rectangulaires présentant un livre qu'il a mis huit ans à lire : la Bible. L'Espace Gerson gardera dans sa salle son artiste fétiche, Babass qui, en cinq ans, a trusté tous les prix d'humour. Le comédien modifie son spectacle au gré des représentations et fait évoluer en permanence son personnage naïf et décalé. Les anciens kinés belges, devenus les Indésirables ont eux besoin de tout l'espace de la salle Molière pour s'exprimer pleinement. Ils enchaînent les sketches à folle allure et avec beaucoup d'énergie. Un autre duo, Éric et Jules, occupera le foyer Montchat, pendant que leurs acolytes de Pourquoi les hommes n'écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire les cartes routières seront Salle Victor Hugo. Les rapports de parités sont décidément le sujet préféré du café-théâtre. À moins que ce ne soit le théâtre «de filles» comme l'explicite Interdit aux hommes programmé à l'Accessoire ou J'aurai dû écouter ma mère par Vanessa Ferry au Guignol de Lyon. Seul Florent Peyre défendra la cause de son genre aux Vedettes secrètes. Qui êtes-vous spectateurs ?
De l'avis général des programmateurs de ces salles, le public du 31 n'est pas vraiment le même que le restant de l'année. Même si les spectacles sont accessibles en général dès dix ans, les quarantenaires ou cinquantenaires sont plus nombreux qu'à l'habitude, ils font garder les enfants et enchaînent un resto puis un spectacle. Les étudiants et les plus jeunes ont tendance à fêter le 31 autrement, dans des «fêtes-maisons», entre eux. Probablement parce que le prix des places est ce soir-là plus cher (jusqu'à 80€ lorsque le repas est compris mais bien souvent entre 30 et 45€ pour une coupe de champagne et des mignardises). Tout coûte plus cher un soir comme celui-là : le cachet de l'artiste, la mobilisation des techniciens et les locations de diverses salles de la municipalité. La ville est sollicitée environ quatre mois à l'avance et attribue les lieux de façon assez similaire chaque année. Les cafés-théâtres reconnaissent qu'il n'y a pas vraiment de compétition entre eux : chacun a son espace et ils sont bien moins nombreux qu'à Paris. La crise aurait-elle un effet néfaste sur le taux de remplissage ? La réponse varie en fonction des lieux mais la tendance est plutôt à l'augmentation. Coralie Chaize du Complexe du rire dit crouler sous les réservations : «Les gens ont des plus en plus besoin de rire, ils ont besoin de se divertir, nous en retirons les bénéfices» explique-t-elle. Le café-théâtre se dépoussière aussi grâce à l'émergence et la médiatisation de jeunes comiques : il y a plus de Florence Foresti (avec qui a d'ailleurs débuté Céline Ianucci) que de Jean Amadou. À la bonne heure !


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