Apologie d'un glandeur


Théâtre / A priori le sujet n'est pas vendeur : que fait quelqu'un qui ne fait rien, "un gros mollasson de merde" comme il le dit lui-même sans excès de poésie ? Pas sûr de vouloir vraiment le savoir. Pourtant la compagnie des Sept sœurs intrigue en occupant le théâtre de l'Élysée cette saison avec quatre projets dont une série de films, de la danse et du théâtre. Elle invente et défriche. C'est le cas avec Réalisme, une pièce traduite par la metteur en scène Catherine Hargreaves de l'auteur borderline, aujourd'hui institutionnalisé et associé à la Royal Shakespeare Company, Anthony Neilson. Du mobilier Ikea amputé jonche le sol. Des tables aux pieds sciés, de l'électroménager égaré et un Frédéric Bévérina, même nom à la scène qu'à la ville, qui se réveille après une nuit trop arrosée avec l'envie de rien. Défilent alors dans un joyeux capharnaüm et grâce à l'énergie insatiable de cinq autres acteurs toutes les interrogations politiques qui l'animent et l'épuisent, ses fantasmes, ses peurs, sa place en tant qu'enfant, amant, aimant. Il y a profusion de lumières, de sons, de mouvements, une vraie demeure du chaos à la place d'un cerveau fatigué et surtout une utilisation pleine des moyens du théâtre à un rythme effréné, quitte parfois à manquer de transition ; mais c'est aussi l'objet du spectacle de montrer que les pulsions et l'instinct n'ont rien de linéaire. Un théâtre «in-your-face» en quelque sorte, comme ce mouvement auquel a appartenu l'auteur dans les années 1990. Neilson interroge le normal et redéfinit les contours des libertés, à commencer par celle de disposer de soi-même. Une ode à l'individu servie par un collectif incroyablement efficace et soudé. Nadja PobelRéalisme
Au Théâtre de l'Élysée jusqu'au 24 janvier.


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