Que Viva Calexico !

À l'image d'une Amérique de retour à l'air libre, Calexico respire à nouveau à pleins poumons avec son album "Carried to Dust" qui reprend la route pour élargir le territoire. Stéphane Duchêne


Pour qualifier Calexico, les programmateurs, et pas mal de journalistes, présentent souvent le duo de Tucson (Joey Burns et John Convertino) comme du «folk mariachi». Un terme qui fait craindre de voir débouler dans la minute une armée de sombreros psychopathes venus hurler une sérénade hispanisante sous de paisibles fenêtres. C'est un peu la faute du groupe, il est vrai, qui convie régulièrement sur scène la troupe mariachi Luz de Luna, une douzaine de gringos en costume jouant très fort mais très bien (la preuve sur le DVD Worlds Drift In : Live at The Barbican, une merveille).

Sur disque aussi, le Mexique n'est jamais loin, comme en témoigne leur titre emblématique The Crystal Frontier et des dizaines d'autres. Mais les frontières musicales de Calexico ne se contentent guère d'enjamber le Rio Grande en d'incessants allers-retours. Au départ projet récréatif développé pendant les vacances que leur accordait leur mentor Howe Gelb au sein de Giant Sand, Calexico est devenu l'un des grands défricheurs musicaux américains de la dernière décennie. Atteignant un climax avec l'album Feast of Wire, véritable condensé de musique américaine passée (jazz, folk), présente (pop) et future (post-rock).

Cartographie

Avec Carried to Dust, dernier album en date, le duo a souhaité reprendre une route perdue de vue. Le précédent, Garden Ruin, étant plus recroquevillé sur lui-même, sur l'Amérique et ses problèmes, en une chronique sociale fatiguée du conservatisme mourant. On ne verra pas nécessairement en Carried to Dust d'effet Obama, le disque ayant précédé l'avènement du nouveau président américain, mais le dispositif Calexicain est ici rétabli : des histoires à raconter, des paysages immenses et des grands airs panoramiques au folklore tordu.

Mais ni exclusivement mariachi, ni obstinément western, le folk de Calexico progresse dans tous les sens, au plus loin des quatre points cardinaux. A l'Ouest la Californie et l'Océan, au Nord les Rocheuses, au Sud le Mexique, à l'Est le Nouveau-Mexique et le Texas des cowboys, puis le Golfe du Mexique et les Caraïbes. Jusqu'au Chili et à la Russie, évoqués sur quelques titres. Car ce que trace au fond la musique de Calexico, c'est avant tout la cartographie d'un pays idéal où les histoires et les paysages se déploieraient en cinémascope. Un pays où le langage musical serait un territoire toujours plus vaste.

Calexico
À l'Epicerie Moderne, jeudi 22 février
Carried to Dust (Cooperative Music)


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