L'Autre

De Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic (Fr, 1h35) avec Dominique Blanc, Cyril Gueï…


Ça bouge dans le cinéma français ! Il y a quelques années, un film aussi maîtrisé et atypique que L'Autre n'aurait certainement jamais vu le jour. Savourons le miracle : Patrick Mario Bernard et {Pierre Trividic} s'affirment après Dancing comme de grands cinéastes du fantastique ordinaire et de l'inquiétante étrangeté, de somptueux créateurs d'images mentales et sensorielles. Anne-Marie, 47 ans, pousse Alex, vingt ans de moins qu'elle, à nouer une relation avec une autre femme, devançant une situation qu'elle croit inéluctable. Quand elle apprend que celui-ci a effectivement trouvé une nouvelle maîtresse, la jalousie va la dévorer. Cette trame, les deux réalisateurs la réduisent en miettes, n'en capturant que des fragments presque oniriques puis les éparpillant dans un environnement contemporain construit à partir de motifs visuels et sonores récurrents. Flicage via internet, «cyber-box» permettant d'épier l'intérieur et l'extérieur de son appartement, périphérique transformé en tableau géométrique et abstrait : la société de contrôle est le décor totalitaire de cette tragi-comédie où «l'autre» détesté finit par se confondre avec son propre reflet dans le miroir. Ce qu'Anne-Marie ne supporte pas, c'est qu'Alex l'ait remplacée par un double d'elle-même. Détruire l'autre, ce sera donc se détruire soi. Le film, aidé par la composition hallucinée et hallucinante de Dominique Blanc, matérialise ce postulat métaphysique sans jamais verser dans la symbolique hautaine. Au plus près du monde et des corps, au bord de l'abîme, L'Autre effraye et fascine. CC


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