Reflets Decouflé


Danse / Sur les plateaux de danse ou de «nouveau cirque», les corps font beaucoup «images» en ce moment à Lyon : que ce soit chez Josef Nadj (Entracte) avec ses rituels lents et ses gestes hiératiques, ou chez Aurélien Bory (Les Sept planches de la ruse) avec ses grandes constructions géométriques et hypnotiques… Images léchées et esthétiques certes, mais qui s'essoufflent rapidement et laissent peu de traces dans notre mémoire de spectateur… Avec le Solo (2003) de Philippe Decouflé, on aurait pu craindre une sorte de paroxysme en la matière : le chorégraphe est en effet connu pour son imagerie surréaliste, ses personnages délirants, ses spectacles baroques. Mais dans sa pièce à caractère autobiographique, ce ne sont pas les corps qui se transforment en «images» figées, mais les images elles-mêmes qui prennent corps et se mettent en mouvement. Solo n'a ni début ni fin, ni queue ni tête, et propose une dizaine de tableaux, de fragments, d'éclats de danse. La plupart d'entre eux jouent de la démultiplication et de la déformation du corps de Decouflé en ombres chinoises et/ou en images projetées. Le chorégraphe danse avec ses doubles, ou bien, grâce à des trucages vidéo, «dessine» sur des écrans des formes figuratives ou abstraites qui se transforment sans cesse. Ses mains par exemple (partie du corps toujours très importante chez Decouflé) deviennent une bouche souriante, une mouette, de petits personnages incongrus… Et dans les meilleurs moments du spectacle, on ne distingue plus très bien la réalité de ses simulacres, Decouflé parvenant alors à les faire se rejoindre sur un même plan : celui d'un mouvement jubilatoire et drolatique. Jean-Emmanuel DenavePhilippe Decouflé, Solo
À La Maison de la danse, jusqu'au 7 février.


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