Soûl, le soleil

L'association Under a Big Black Sun, ou quand une poignée de «music freaks» grisonnants reprend du service au nom du rock, entre camaraderie old-school et bordel organisé ; beau comme une nuit sans fin. Stéphane Duchêne


C'est une asso sous X, qui emprunte son nom à une chanson du groupe du même nom (X, donc, formation culte de LA) et requiert l'anonymat de ses membres aux «egos pas énormes». Under a Big Black Sun a choisi la lumière de la nuit noire, le soleil oxymore d'une programmation rock ivre de groupes de rock qui tache. «Good Morning Midnight», concluait la chanson d'X. Aux commandes, un bataillon d'anciens alternos légèrement lycanthropes, vieux routiers amateurs de rock depuis le berceau («depuis qu'on est kids», en langage Philippe Manœuvre) qui, la nuit, assume au grand soir son amour du binaire alternatif. «Pour ne pas mourir de rage». Dans les années 80-90, ils frayaient dans des magasins de disques nommés Attaque Sonore ou des groupes comme Straight Royeurs (avec Virginie Despentes en chanteuse hip-hop rock, ce qui force le respect), organisaient des concerts pop dans un bar yougoslave de Vienne (Wampas, Thugs). Et on en passe, la liste est longue comme le Voyage au bout de la nuit récité par un punk sous Valstar. Tombés dans la techno, dans l'élevage de «kids» ou les deux, ils bossent aujourd'hui dans la musique, sont journalistes ou chercheurs, à la fac comme à l'ANPE. Mais ils aiment toujours le rock, ont «la rage romantique et rigolarde» et le Do It Yourself chevillés aux corps. Et voilà, «il y a deux, trois ans», la naissance d'UABBS, ovni dans un «business» de la programmation trusté par la jeunesse et la nouveauté. Ils n'y sont d'ailleurs pas hostiles, tant que la nouveauté et la jeunesse envoient la purée. Pour le reste, les Soleils Noirs n'hésitent pas à programmer leurs groupes préférés, punks des années 80 ou garagistes sans âge, dans un souci constant du culte impossible. On leur doit la venue des Thugs l'an dernier, pour leur courte et inespérée reformation. Un groupe à leur image : «discret, efficace, émouvant et canal historique». Le reste du temps, quand ils ne changent pas des couches, on les trouve entre Broc Café, Sonic et Grnd Zero, buvant des verres, mixant sous le nom d'Atomic Ping Pong Project ou fomentant de nouveaux assauts soniques. Le prochain: les vrombissants Datsuns, néo-zélandais mythiques enrichis en acouphènes. Au-delà, ils ne savent pas, et ne s'en soucient guère : «c'est trop loin pour nous, n'oublions pas que nos grands âges nous rapprochent de la mort».


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