Fêter la Saint-Valentin autrement

Lap-dance ou SM : mon cœur balance. Pourquoi ai-je dit « oui » à cette proposition de reportage ?


J'ai essayé de fêter la Saint-Valentin dans un club de lap-dancing. Maman, ne lis pas la suite… parce que ton grand fils est un lâche. Je revois mon rédacteur en chef me proposer un sujet gonzo sur la nuit qui boue. «Une soirée sado-maso ?». Et moi de répondre «moui, et pourquoi pas du lap-dancing ?». C'est un métier d'avoir l'air cool. Je pars donc à la recherche d'un club où les filles s'effeuillent et les mâles transpirent. Je n'ai pas encore mis un doigt de pied dans le club et je transpire déjà. Non pas que je sois un boy-scout, des partenaires j'en ai eues. Quelques milliers même. Ou pas ; j'ai toujours eu tendance à arrondir. Je tombe donc sur cette adresse : le Vertige, 5 rue du Griffon, sur les pentes de la Croix-Rousse. Au programme : peep show (une jeune fille se dépoile derrière une glace), strip-tease (une jeune fille se dépoile sans la glace), initiation sado-maso (c'est vraiment mon jour de chance) et, pour finir, visionnage de DVD – inutile de demander Bienvenue chez les ch'tis, un client a oublié de le ramener, par contre L'Infirmière n'a pas de culotte est en stock. Samedi, 22 heures, les rues sont vides. Comme toutes les Saint-Valentin. En ce moment, ma Valentine est à la maison et approuve mon reportage. Elle est formidable. J'arrive devant le club. Et là, j'hésite. Erreur fatale. Campé devant l'édifice tout néon dehors, je fume une cigarette pour me détendre. Les rares passants me dévisagent, enfin je crois. Avant de réaliser qu'ils devaient parfaitement s'en cogner.« Chacun fait sa petite vie le week-end»
Il faut que je rentre. Je pince les testicules de l'hétéro-beauf qui sommeille en moi, prends mon courage à deux mains (pas de mauvaise pensée, je vous en prie) et sonne à la porte. Je porte sweat capuche, baggy jean, casquette, sac à dos et imposantes baskets blanches. Première constatation : un club de lap-dance n'est pas un vrai club, un videur zélé m'aurait déjà renvoyé chez ma mère — mais qu'est-ce qu'elle fait dans cette histoire ? J'explique à l'hôtesse – qui porte un soutien-gorge à balconnet – la raison de ma venue. Elle est ennuyée. Moi pour d'autres raisons. Ses responsables ne sont pas là. Sa collègue remue ciel, terre et répertoire téléphonique pour prévenir ses boss. Sous le regard désintéressé du videur qui, lui, ne me juge pas. Merci monsieur. Impossible de les joindre. «Chacun fait sa petite vie le week-end» me répond-t-elle. Elle a raison. «Ça m'ennuie de prendre cette décision à leur place». Et moi donc. Mais pour d'autres raisons. Le personnel du Vertige a pu assister en direct à une séance de déballonage d'un journaliste. «Je repasserai plus tard alors». Oui, je me suis dégonflé. Et oui, ça m'arrange. Je pars retrouver ma Valentine. Passablement déçue par mon manque de courage face à ce reportage cul. Elle est formidable. Antoine Allegre


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