Autobiographie chantée

Paroles / Jonathan Richman ne donne plus d'interviews, mais ses chansons ont écrit au fil du temps son autobiographie, réelle ou fantasmée. CC


Jonathan sings, I, Jonathan, ¡ Jonathan te vas a emocionar !, I'm so confused : les titres de ses albums disent à quel point Jonathan Richman met en scène son existence dans sa musique. Le degré de fantasme et de réalité reste indiscernable et crée un rapport assez ludique de l'auditeur à son œuvre. Il n'est pas rare que Richman s'interpelle lui-même en incarnant un de ses comparses d'infortune, une fiancée éphémère ou carrément d'hypothétiques spectateurs de ses concerts. Bon exemple en la matière, l'album live Having a party with Jonathan Richman est un condensé de petites histoires, anecdotes et témoignages où l'auteur se livre à un autoportrait cubiste absolument foutraque (en briseur de ménages, en amant pour le plaisir seulement…). Point d'orgue : le fameux Monologue about Bermuda, autant parlé que chanté, repose entièrement sur des digressions hilarantes retraçant, l'air de rien, le vrai tournant musical de sa carrière. Un interlocuteur imaginaire lui demande s'il est déjà allé aux îles Bermudes. Richman répond qu'il a trouvé là-bas une quiétude et une sérénité qui l'ont charmé. Relance de l'interlocuteur sur ce qu'il a découvert dans ces îles. Réponse de Richman : il est arrivé là-bas en 1973 pour jouer avec ses Modern lovers son punk de l'époque, basique au niveau des accords. Il exécute alors quelques notes fiévreuses de She cracked, puis en change le texte pour en souligner la vacuité… Il reprend la parole pour expliquer sa découverte des arpèges et harmonies entendues aux Bermudes, le son joyeux des guitares et la basse nonchalante, le plaisir du calypso — en l'illustrant musicalement. Et qualifie cette révélation de «début de la fin» pour les Modern lovers. Quand il retourne au refrain de sa chanson, cette parenthèse musicalo-biographique éclaire toute sa démarche, cette conversion du rock dépressif au dilettantisme joyeux qui a fait sa réputation… Qu'importe dès lors que cela soit vrai ou absolument inventé : c'est simplement crédible et sacrément drôle !


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La Ville fantôme