Rich' héritiers


Analyse / Qui dit «homme riche» (Rich-Man) dit légataires. Et les héritiers de Richman sont nombreux à avoir voulu se montrer dignes de sa succession, en une version rock et désinvolte du «Roi Lear». Richman était même encore jeune musicien lorsque les Sex Pistols reprirent le Roadrunner des Modern Lovers, comme un signe d'allégeance absolue de la scène punk anglaise. Car le petit gars du Massachussets est alors l'une des grandes influences des british de l'époque avec le zinzin Richard Hell. À Hell, la paternité esthétique et folklorique du genre, à Richman, celle du penchant punk pour la farce qui attaque et le «jeu de maux». Pour beaucoup, Richman restera aussi à jamais comme le ménestrel de Mary à Tout Prix des frères Farrelly, incarnation vivante du coq chantant-chœur antique du Robin des Bois de Walt Disney. Un rôle forcément taillé sur mesure pour ce fantastique storyteller. C'est cet art du storytelling qui a sans doute influencé les gars de l'anti-folk ou, avant eux, de la lo-fi comme Lou Barlow ou Calvin Johnson (Beat Happening). Barlow, auteur au gré de ses disques enregistrés à l'arrache d'une véritable anthologie de la lose, a démontré à l'excès que l'art de raconter une histoire pouvait l'emporter sur la musique. Émouvoir (ou faire rire) aux larmes même en faisant saigner les oreilles. Quant aux anti-folkeux, de Herman Düne à Coming Soon, ils ont eux aussi endossé la défroque de troubadours d'un absurde artisanat de l'anecdote nichée dans les plis de la vie et des considérations présentes. Certains, comme Adam Green, échappé des Moldy Peaches, ont ensuite exploité en solo la veine plus crooneuse du Richman tardif. D'autres ont surtout perçu de l'héritage richmanien son sens du décalage et sa folie douce, ses histoires de reggae égyptien ou d'«abominable homme des neiges au supermarché» (They Might Be Giants et leur Istanbul Not Constantinople). Ou même, à la manière des Violent Femmes, opéré une synthèse de l'ensemble, au croisement de la geek pop et d'un anti-punk à base folk. Il est donc heureux pour tout le monde que l'œuvre de Jonathan n'ait pas été soumise aux droits de succession. Stéphane Duchêne


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