Punks indépendants

Musique / Reformés, et aussi un peu déformés, les {Buzzcocks} continuent de faire valoir sur scène leur droit à la postérité. Et si les Buzzcocks étaient le groupe le plus important de l'ère punk ? Stéphane Duchêne


L'ombre des géants du punk que furent les Sex Pistols et le Clash a parfois été un peu encombrante pour la ribambelle hirsute de groupes qui jaillit dans la plus totale anarchie au moment de la révolution punk anglaise. Si bien que l'apport de certains d'entre eux à l'histoire du rock s'en trouva minimisé, éclipsé par les scandales à répétition des premiers ou la rhétorique révolutionnaire du second. Dommage pour les Buzzcocks, formés à Manchester en 1976, à qui l'on doit pourtant ni plus ni moins que la naissance du rock indépendant. Leur Ep historique de 1977, Spiral Scratch, est en effet considéré comme le premier single autoproduit de l'histoire, les Cocks ayant pour l'occasion fondé leur propre label, New Hormones, financé par… leurs parents. Grâce au punk, chacun pouvait désormais jouer d'un instrument (même Sid Vicious sous héroïne !) mais surtout tout le monde pouvait produire ses propres disques sans vendre son âme aux majors ou se faire piquer son argent de poche par Malcolm McLaren. À contre-courant
Plus que cela, les Buzzcocks furent les catalyseurs de la prodigieuse scène mancunienne qui inonda les charts indés dès la fin de la décennie 70. En organisant et en faisant la première partie du concert mancunien originel des Pistols en 1976, ils scellèrent le destin, selon les versions, d'Ian Curtis et Peter Hook de Joy Division, de Morrissey des Smiths et… hum… de Mick Hucknall de Simply Red, tous présents dans une salle aussi clairsemée que médusée, et tous désormais détenteurs d'une vocation. En dehors de ces faits de gloire pour dictionnaires du rock, les Buzzcocks ont pourtant toujours nagé à contre-courant de la vague punk. Ils ne cherchaient en rien à singer les Pistols comme le reste de l'armée punk. Ils n'avaient d'ailleurs pas à le faire, ils savaient jouer, connaissant la formule du tube qui mitraille en dépouillant l'âme. Au milieu des glaviots et des vols de canettes, les Buzzcocks étaient pop et poétiques et leur leader Pete Shelley, homosexuel et torturé, une sorte d'anti-Johnny Rotten. Succédant rapidement au micro à son compère Howard Devoto, parti fonder Magazine, Shelley chantait l'envers d'un romantisme adolescent branleur et désœuvré (Orgasm Addict, Boredom, Sixteen Again) qui préfigurait l'âme new wave. Et dont l'efficacité rhétorique et mélodique a, jusqu'à aujourd'hui, permis au groupe d'être musicalement plus influent que n'importe quel géant punk.The Buzzcocks
Au Ninkasi Kao, dimanche 22 mars.


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