À l'insu de notre plein gré


Expo / Un type chauve aux lunettes noires assis à une terrasse de café à Rome, une grappe d'adolescents s'ennuyant dans les rues d'Helsinki et «composant» entre eux de drôles de lignes de tension, quelques salariés fumant une cigarette dans la pénombre de Stockholm… En France ou à l'étranger, Géraldine Lay saisit la solitude, les malaises légers, l'attente résignée, ces petits moments de la vie quotidienne où les corps et les regards flottent, hésitent, s'inquiètent d'on ne sait quoi, semblent traversés d'affects inconnus à eux-mêmes… Contrairement aux apparences, la photographe ne met rien en scène, mais observe patiemment, partage avec ses sujets une sorte de confiance silencieuse. On remarque aussi son goût pour les lumières rasantes, les fins de journées, les horizons bouchés et vaguement angoissants. Elle expose avec son compagnon François Deladerrière, né lui-aussi en 1972. Chez Deladerrière, la présence humaine disparaît totalement au profit de paysages verdoyants ou de bâtiments esseulés et désaffectés. Ce sont des forges dans les Pyrénées, un bâtiment industriel en Sibérie, voire un escalier désert de boîte de nuit. Travaillant à la chambre, le photographe présente des images superbes, pleines de détails, comme autant de monuments conservant la trace d'un temps passé ou indifférent à la temporalité des activités humaines. Chacun dans un style différent, les deux photographes saisissent de belle manière cette «illusion du tranquille», cette vie en creux des choses ou des gens, ce courant d'affects et de sensations inconscients qui chemine à notre insu. Jean-Emmanuel DenaveGéraldine Lay, François Deladerrière, «L'Illusion du tranquille»
Au Réverbère, jusqu'au 30 avril.


<< article précédent
Des nuits lyriques et rock’n’world