9 soirées, 10 films, 1 mythe

Expo / L'Institut d'art contemporain présente dix films relatant neuf soirées de performances légendaires ayant eu lieu à l'Armory Show de New York en 1966. Jean-Emmanuel Denave


Il est parfois des expositions «cruelles» comme un gros morceau de nostalgie qui remonte à la surface du présent. Celle de l'IAC nous fait regretter de n'avoir pas eu vingt ans, non à Paris en 1968, mais à New York en 1966… Une dizaine de fêlés de la scène artistique de la Côte Est, des chorégraphes (Lucinda Childs, Alex Hay, Deborah Hay, Steve Paxton, Yvonne Rainer), des plasticiens (Robert Rauschenberg, Robert Whitman, Oyvind Fahlström), des musiciens (John Cage, David Tudor), s'allient avec le gratin des ingénieurs et des techniciens du moment pour neuf soirées de performances qui deviendront mythiques. Elles devaient avoir lieu en Suède, mais se dérouleront finalement à l'Armory Show de New York en octobre 1966. Technologies de pointe et expérimentales, disciplines artistiques diverses, se mélangent pour donner lieu à une grande bouffée de créations libres, singulières, voire un peu foldingues ! Des bribes d'enregistrements filmiques et sonores ont été retrouvés récemment, restaurés, et remontés le plus fidèlement possible par Barbra Schultz, pour donner forme à dix courts-métrages, dix traces arrachées à l'oubli de ces performances hallucinantes. Chaque film est projeté sur grand écran dans une salle du musée.Une fête post-moderne
À travers des images parfois sombres et granuleuses (ce qui ajoute à leur charme), on découvre danses, happenings et performances, marquant à l'époque un décloisonnement des disciplines proprement post-moderne. On rit aussi beaucoup de voir des ingénieurs en costume cravate mettre en marche des dispositifs ultra complexes afin de faire se mouvoir sur scène quelques mobiles dérisoires. C'est le début des télécommandes infrarouges sur un plateau, le début aussi de la musique électro-acoustique avec un John Cage et des techniciens déployant moult boîtiers, câbles et prises jack pour produire des sons que n'importe quel adolescent pourrait aujourd'hui sortir de son PC… Les artistes, Robert Whiman en particulier (l'un des plus beaux films de l'exposition), se gorgent d'images de toutes sortes (dessins animés, films, actualités) projetées sur les supports les plus divers. Les chorégraphes déploient chacun leur univers : minimaliste chez Lucinda Childs, trivial et hypnotique chez Deborah Hay… De l'ensemble des films se dégage une grande liberté et un goût marqué pour le bizarre. Une étrangeté orchestrée par la rencontre tâtonnante ou subtile des sons, des lumières, des objets technologiques, des corps et des images.Nine evenings : art, theatre and engineering de 2009 à 1966
À l'Institut d'art contemporain, jusqu'au 12 avril.


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