Exercice de style

Théâtre / Christian Schiaretti n'a une fois de plus pas fait dans l'économie. Il monte pour les élèves de l'ENSATT deux pièces de Robert Garnier pour plus de trois heures de théâtre. Nadja Pobel


Christian Schiaretti, directeur du TNP et par ailleurs professeur à l'ENSATT est vorace et exigeant. Assisté par Mohamed Brikat, ce n'est pas une pièce mais deux qu'il met en bouche de la 68e promotion de comédiens afin qu'ils apprivoisent l'art de la rhétorique et soient capables de tout jouer ensuite. Pour appliquer cet exercice, il trouve sa matière dans les textes du méconnu Robert Garnier. Dans un XVIe siècle en proie aux guerres de religion, l'auteur choisit de faire écho à cette période via les tragédies grecques et la Guerre de Troie. Il s'inspire notamment du Phèdre de Sénèque, un siècle avant que Racine n'en écrive la version qui fera date. La pièce est en vers, en rimes et truffée de vocables baroques. Tout est donc en place pour compliquer la tâche de ces jeunes acteurs qui travaillent le discours bien plus que le déplacement scénique. Le propos n'est pas là. Ce sera peut-être le cas en juin prochain dans leur dernière création sous la houlette d'Alain Françon. Pour l'heure, un plancher légèrement incliné : voilà leur terrain de jeu avec les panneaux de peinture, baroque là aussi, à jardin et à cour pour leur créer des portes de coulisse. Reste donc le texte, à écouter jusqu'à l'étourdissement comme une logorrhée parfois inégale.Avantage Hippolyte
Les œuvres sont présentées dans l'ordre inverse de leur chronologie : La Troade puis Hippolyte. La première plonge au coeur du conflit. Hécube, veuve de Triam, tombé à la guerre de Troie, voit tous les membres de sa famille être avalés par le conflit, un à un. Entre lamentations et révolte, elle se débat mais la comédienne qui endosse ce rôle ne donne pas assez d'épaisseur à ce personnage pour que ses émotions parviennent jusqu'à nous. La langue ici est aussi souvent trop obscure, les intrigues trop entremêlées pour que la compréhension soit parfaitement assurée. La Troade, cette région d'Asie Mineure où se trouvent les ruines de la ville de Troie, paraît bien éloignée. Fort heureusement, la seconde partie, en se focalisant plus sur la sphère privée, parvient à renouer avec la transmission du texte. Plus à l'aise, les comédiens ne semblent pas courir après la diction, les diérèses qui coupent certaines syllabes sont naturelles et surtout Georgia Scalliet, la nourrice de Phèdre illumine la scène. Avec assurance et évidence, elle impose son personnage et complète avec une incroyable justesse le triangle amoureux entre Phèdre, Hippolyte et Thésée.Hippolyte + La Troade
À l'ENSATT jusqu'au 23 avril.


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