Pourquoi pas eux ?

Musique / Après plusieurs années de silence et de projets parallèles, Themselves, réunion de deux activistes majeurs du hip-hop expérimental, repart à l'assaut des scènes mondiales. En ces temps critiques, un retour qui tombe à pic. Christophe Chabert


La bonne surprise s'est calée in extremis en début de mois dans la programmation de La Marquise : un concert de Themselves plutôt inattendu puisque, depuis six ans, ses deux membres s'étaient activés sur d'autres projets, laissant penser que le groupe qui les avait fait connaître était à l'état de coma dépassé. Mais leur site internet est formel : cette série de concerts printaniers annonce bel et bien un retour aux affaires avec disque à la clé prévu à l'automne. En attendant, c'est donc sur scène qu'Adam «Doseone» Drucker et Jerry «Jel» Logan vont faire entendre leur hip-hop, toujours aussi avant-gardiste même une décennie après sa création.Help !
La musique de Themselves ressemble à une déflagration. Plutôt que d'en singer les gimmicks poussifs, Doseone et Jel ont redonné au rap une des missions initiales : une musique fiévreuse, revendicative, pleine de rage politique et porteuse de message. L'approche est cependant profondément neuve et tordue, car ce message est brouillé par une écriture toute en métaphores, abstraite et complexe, puis perdu dans des nappes électroniques sombres, où les beats se dégagent d'un étouffant brouillard instrumental. À ce titre, Themselves est sans doute le projet le plus radical de ses auteurs, qui auront essaimé leur talent dans un nombre incalculable de groupes plus accessibles mais à la trajectoire parfois éphémère : Clouddead, plus pop, Subtle, privilégiant le live grâce à la présence de musiciens en renfort des machines de Jel et de la voix nasillarde de Doseone, ou encore 13&God, réunion des deux avec le groupe d'électro-pop allemand The Notwist. Them et The No music, les deux disques majeurs de Themselves, font donc figure de manifeste d'un ambitieux projet musical, livré ici à son stade le plus brut et le plus pur : des mots qui s'entrechoquent jusqu'au vertige des (et du) sens, des sons qui bourdonnent comme une mauvaise conscience, bruit blanc d'un pays (l'Amérique) qui a refoulé l'inquiétude créative derrière une peur paralysante. Impossible d'oublier que Them, sorti en 1999 et réédité en 2003, se terminait par un appel à l'aide ambivalent, entre résistance et résignation. Aujourd'hui, Themselves revient : le monde tel qu'on nous le vendait s'est effondré, et il semble qu'il soit prêt à entendre cette musique austère et nécessaire.Themselves
À la Marquise, samedi 25 avril.


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