Divas adulées, héroïnes assassinées


Femmes / Depuis l'origine des temps, la femme est fatale, sexuellement inquiétante, trop belle, trop naïve, pas assez ceci, pas assez cela. Alors, les artistes s'en donnent à cœur joie pour transcender cette image, pour libérer des pulsions socialement inavouables, pour mettre esthétiquement la femme sur un piédestal. Combien d'opéras, combien de livrets où l'héroïne vit de façon fulgurante et meurt obligatoirement ? Psychanalytiquement, on veut plutôt tuer le père. À l'opéra, on tue la femme. Pour comprendre plus profondément ce mécanisme récurrent, quelques exemples s'imposent. Avec Madame Butterfly de Puccini, tous les ingrédients sont là : naïveté de la femme qui se croit éperdument aimée, descente aux enfers et suicide. Butterfly est une geisha épousée par un jeune officier américain. Geisha moquée, bafouée qui finira par donner son fils et se donner la mort en se poignardant. Richard Strauss offre quant à lui une Salomé sur un plateau, figure féminine biblique qui incarne une sensualité absolue, une perversité totale et qui provoque une fascination à la hauteur de ses travers. Salomé a inspiré peintres, écrivains et compositeurs de tous ordres. Elle danse pour Hérode, elle exige la tête de Jean-Baptiste, embrasse à pleine bouche la tête du mort et se fait tuer par Hérode. Dans un autre genre, Traviata de Verdi offre également cette ascension et redescente aux enfers que le public adore. Violetta, simple courtisane, et Germont, homme de bonne famille, tombent éperdument amoureux. Le père très moralisateur de Germont s'évertue à casser cet amour, il gagne. Les amants se retrouvent trop tard, Violetta se meurt. Trois exemples retentissants comme beaucoup d'autres. On pourrait parler de Carmen, Tosca, Manon… Toutes font fantasmer et pleurer. Ces Héroïnes prennent notre inconscient collectif par la main et nous voilà tous témoins de ces tragédies violentes et tellement humaines. PC


<< article précédent
Danse avec Lulu