Vengeance

Cinéma / Johnnie (To) et Johnny (Hallyday) réunis avec une pléiade de stars de Hong Kong pour un polar au scénario minimaliste mais à la mise en scène flamboyante. Christophe Chabert


Les derniers films de Johnnie To nous avaient laissés sur notre faim. Depuis Le sommet Election 2, il semblait vivre de projets mineurs, distractions qui rejoignaient les œuvres cosignées avec son associé Wa Ka-Fai. Vengeance, dont l'influence revendiquée est celle de Jean-Pierre Melville, augurait d'un retour aux choses sérieuses. Ce n'est pas le cas, mais ça ne l'empêche pas d'être un fort agréable film mineur.

Samouraï amnésique

Commençons par la grande faiblesse du film : son scénario minimaliste, d'ailleurs écrit par Ka-Fai, où un restaurateur français, qu'on devine charriant un lourd passé mafieux, débarque à Macao pour venger sa famille dessoudée par une triade chinoise. Étranger dans la ville, il devra faire équipe avec trois gangsters caractérisés avec la patte Johnnie To, et incarné par une bande de stars locales fidèles du cinéaste. C'est à peu près tout, et ce serait un peu maigre si le cinéaste ne déployait une artillerie visuelle absolument somptueuse ; sa manière de filmer Macao comme une mégalopole aux néons irisés et aux perspectives monstrueuses a quelque chose à voir avec le L.A. futuriste de Blade Runner, et sa capacité à transformer chaque décor, intérieurs comme extérieurs, en merveille d'environnement organique, prouvent que To est un immense styliste. Mais ce sont bien sûr les gunfights qui l'expriment le mieux. Poussant loin son art de la suspension - avant la marave, les tueurs prennent le temps d'un pique-nique en famille ! le cinéaste s'approche l'air de rien des grands westerns crépusculaires de Peckinpah. Sauf que les meules de foin, ironique innovation, sont devenues des ordures compactées... Et Johnny, alors ? Figure taciturne, iconisée et peu loquace, entre Melville et Eastwood, il apporte une étrangeté réelle au projet. Son arrivée, avec chapeau et lunettes noires, évoque plus le fantôme fascinant de Bashung dans ses derniers mois que la silhouette de Delon dans Le Samouraï (les deux personnages portent le même nom, Costello). Au fil du film, ce tueur vieillissant perd la mémoire, jusqu'à ne plus garder que ses réflexes d'assassin, perdant le motif et ne gardant que les gestes. C'est un bon résumé du cinéma de Johnnie To, son fétichisme des codes au détriment du sens. Sûr ce coup-là, on ne s'en plaindra pas...

Vengeance
De Johnnie To (Hk-Fr, 1h45) avec Johnny Hallyday...


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