Le ballet s'encanaille


Danse / À peine sorti de la Giselle de Mats Ek, le Ballet de l'opéra fait la culbute en s'encanaillant avec deux des chorégraphes les plus singuliers de la scène française. Nourri aux arts plastiques et à la danse libre d'Anna Halprin, Alain Buffard crée en 1998 sa pièce matrice, Good Boy. Un solo où il se dépiaute de dizaines de slips blancs pour finir sur des hauts talons en boîtes de médicaments. La danse s'entremêle à la performance, et toute l'attention du chorégraphe se porte sur les potentialités triviales du corps, la frontière du normal et du pathologique, les disciplines socio-politiques qui encadrent et déterminent nos corps... Good boy deviendra bientôt Mauvais genre, pièce collective aux versions multiples, dont une, toute nouvelle, transmise à huit danseurs du Ballet... Venu lui aussi des arts plastiques, Christian Rizzo développe depuis 1999 un univers fait de lumières tamisées et de musiques sourdes où les corps s'effacent peu à peu pour ne laisser que traces énigmatiques sur scène. Les aficionados de Rizzo seront surpris par sa nouvelle création avec le Ballet de l'opéra, Ni cap ni grand canyon. Rizzo tente en effet d'échapper à ses propres codes : plus d'objets étranges sur le plateau ni de costumes, mais une douzaine de danseurs livrés au chaos et à l'existence en soi d'un groupe à têtes multiples. On retrouve les chutes, les corps traînés au sol, la vie qui affleure puis disparaît par soubresauts, les reptations, mais dans une forme beaucoup plus mouvementée et chorale. Il serait dommage de rater ce tournant artistique d'un des chorégraphes les plus inventifs de la danse contemporaine... Jean-Emmanuel DenaveMauvais genre#10 d'Alain Buffard + Ni cap ni grand canyon de Christian Rizzo, par le Ballet de l'Opéra de Lyon
Au Toboggan à Décines, du 9 au 13 juin.


<< article précédent
On n’est pas là pour se faire engueuler