«C'est beau d'être en attente d'un geste infime»

Entretien / Thierry Raspail, directeur du MAC et commissaire de l'exposition Jean-Luc Mylayne. Propos recueillis par JED


Petit Bulletin : On est un peu surpris de découvrir des photographies d'oiseaux dans un musée d'art contemporain...!
Thierry Raspail : Le travail de Jean-Luc Mylayne se situe en effet hors de l'actualité et des modes. L'artiste contemple la nature, non pour le simple plaisir de la béatitude, mais avec un sentiment fort du temps très court, de la fragilité des choses. Ses photographies donnent la preuve que quelques instants ont existé. Mylayne est quelqu'un de très solitaire et discret, qui habite au Nord-est de la France et qui s'est familiarisé peu à peu avec les oiseaux. Ses œuvres sont le fruit d'échanges avec ces animaux dont on ignore à peu près tout, fruit d'un dialogue possible entre les hommes et les animaux. Quel pourrait être le sens de cette œuvre ?
Ses rencontres avec les volatiles durent quelques secondes, ce sont des instants très très petits, des scènes qui n'ont lieu qu'une fois et qui n'ont rien de spectaculaire. Cette œuvre a presque une portée philosophique avec des éléments simples montrant qu'on ne vit que quelques moments uniques. Elle va à l'encontre du spectacle et de nos habitudes. Dans nos sociétés «fonctionnalistes» ayant horreur du vide, c'est beau d'être en attente d'un geste infime produit par un oiseau. Comment a été réalisé l'accrochage de l'exposition ?
L'accrochage a été pensé en amont par l'artiste de manière très précise. Mylayne fait peu d'expositions et ne les envisage jamais comme l'occasion de montrer ses dernières images, mais comme des projets concrets ayant leur propre cohérence. Il y a un drôle de mélange dans le travail de Mylaine : c'est un artiste qui maîtrise parfaitement ses accrochages, ses mises en scène, ses techniques, et, en même temps, c'est un artiste qui doute, qui reste fragile. Pour organiser une exposition Mylayne, il faut «aller le chercher», le désirer, établir une relation de confiance. C'est une figure très éloignée de la frime et du commerce. Mylayne a aussi pour modèle Van Gogh : comme chez le peintre, c'est l'art qui est premier et qui conduit l'existence.


<< article précédent
Le ballet s'encanaille