Le Lit conjugal
Les premiers feux de l'œuvre de Marco Ferreri sont un peu oubliés au profit de ses grands films provocateurs des années 70 (de
La Grande Bouffe à
La Dernière Femme en passant par
Rêve de singe). La sortie chez TF1 vidéo du
Lit conjugal (L'Ape Regina, en VO) tourné en 1963 juste après sa période espagnole, est une joyeuse redécouverte. Le film possède déjà tout ce qui fera le sel du cinéma de Ferreri, sur un mode moins directement frondeur: il s'agit d'une charge sans pitié contre l'institution familiale, mais aussi contre le machisme ordinaire. Le quadragénaire Alfonso (Ugo Tognazzi), décide de se ranger en épousant une créature charmante (Marina Vlady, à la cinégénie sidérante) qui a vingt ans de moins que lui. D'abord prude, elle se révèle une fois mariée insatiable de désir et son époux a bien du mal à la satisfaire. L'érotisme latent du Lit conjugal est donc à double tranchant, tant l'excitation du spectateur n'est jamais celle de son «héros», qui se laisse doucement glisser dans la dépression. Cette déchéance du mâle en pleine débandade est inscrite dans un cercle asphyxiant où famille et église rodent en permanence autour d'Alfonso. Ce qui permet à Ferreri une grande modernité dans sa mise en scène, puisque les dialogues se chevauchent et s'annulent dans les scènes de groupe, renforçant les silences gênés dans les scènes intimes, juxtaposant ainsi l'euphorie et l'angoisse, l'humour noir et l'émotion. CC