Noche américaine


Avec Étreintes brisées, Pedro Almodovar semble avoir atteint ce qu'il n'avait que caresser dans La Mauvaise éducation : faire son 81/2, un grand film sur son art et son statut d'artiste. Comme si, arrivé à un point de reconnaissance que peu d'auteurs internationaux ont rencontré de leur vivant (un égal amour du public et de la critique), il se devait de peindre son autoportrait en cinéaste écartelé. Étreintes brisées multiplie cette figure de l'entre-deux : une femme entre deux hommes, un homme qui passe de la vue à la cécité, et en définitive deux figures de cinéaste, le filmeur compulsif dont les images finissent par modifier le cours des existences, et le metteur en scène réfléchi qu'on dépossède de son œuvre. Ce complexe écheveau, qui mélange autobiographie fantasmée et références cinéphiles, est brillamment scénarisé, réalisé et interprété. On regrettera juste qu'Almodovar ait un peu sacrifié ici l'émotion à la théorie…

CC


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