En vérité…


Livre / Depuis quelques années, les cours donnés par Michel Foucault au Collège de France au début des années 80 sont édités par Gallimard. Poursuivant devant ses étudiants le travail qu'il menait dans ses ouvrages, Foucault part de la question de la sexualité, qui devait donner lieu à une Histoire en six volumes, puis en réoriente la problématique en cours de route. À la généalogie du discours sur le sexe et ses interdits, il finit par préférer une réflexion plus vaste qui le ramène aux penseurs de la Grèce antique, et le conduit à interroger la notion de «sujet», loin de sa représentation moderne telle que les discours de Descartes, Kant et Hegel l'ont figée. Foucault reste jusqu'au bout fidèle à ses idées plus anciennes ; s'il s'intéresse à la «vérité», ce n'est pas pour viser l'idéal platonicien des «idées», aussi immuables qu'inaccessibles. C'est bien la vérité de soi qu'il cherche à dire, vérité plus proche mais finalement plus complexe à exprimer (au sens strict du terme : sortir de soi). D'où le titre de ce dernier cours — Foucault, déjà très affaibli par le Sida qui allait l'emporter quelques semaines plus tard, sait qu'il restera sans doute sans suite : Le Courage de la vérité. Étudiant les modalités de ce qu'il nomme «le dire-vrai» pour en faire une base pratique à son expression dans le contexte démocratique, il s'intéresse aux penseurs qui, selon lui, ont poussé cette idée jusqu'à son plus haut niveau : les cyniques grecs, qui en ont fait l'alpha et l'omega de leur existence. Ce que Foucault vise en transparence derrière cette analyse, c'est aussi ce qu'il a cherché durant toute sa vie : sortir la philosophie des livres et des universités et en faire un outil pratique pour agir sur les grandes questions d'actualité. L'inachèvement de cette pensée en marche finit donc par avoir elle aussi du sens : les dernières paroles de Foucault sont un encouragement à les poursuivre et à les compléter. CCMichel Foucault, « Le Courage de la vérité »
(Hautes études / Gallimard)


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