Reprises à l'italienne

Même si l'été cinématographique sera sans doute un des plus riches en nouveautés excitantes, le programme des rééditions en copies neuves n'est pas mal non plus, et sera placé sous le signe de l'Italie. CC


Pendant longtemps, l'été au cinéma était l'occasion de revoir ses classiques, les distributeurs n'osant pas déranger les vacanciers avec des nouveautés tapageuses (par crainte, aussi, de les envoyer au casse-pipe commercial). Les mœurs ont changé, la tradition s'est perdue, avant de revenir en force durant les années 2000. Maintenant, films anciens et films récents coexistent harmonieusement sur les écrans ; certaines salles en font même un pilier de leur programmation estivale. Exemple lyonnais : le Comœdia qui, après avoir vaillamment labouré le sillon du cinéma américain des années 70, change de destination cette saison et se tourne vers l'Italie. En point d'orgue, la rétrospective des premiers films signés Nanni Moretti (lire portrait en page 20) ; autour, une série de films rares ou bien connus, mais toujours bienvenus (de nouveau) sur un grand écran.

Noir, c'est noir (mais ça peut être drôle, aussi)

Ça commence fort avec Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini. Fort, c'est le moins qu'on puisse dire concernant cette adaptation de Sade transposée dans la République fasciste de Salo, où des notables décadents du régime assouvissent leurs désirs les plus noirs. Le film explore ces trois cercles de l'enfer que sont la scatologie, la sexualité violente et le meurtre gratuit. Considéré comme insoutenable par beaucoup, Salo est une expérience cinématographique limite, pas le meilleur film de Pasolini mais le plus extrême. C'est aussi, tragiquement, son dernier. Plus léger, L'Argent de la vieille du regretté Luigi Comencini est un prototype parfait de la comédie italienne : un couple de grigous pauvres comme Job décident de plumer aux cartes une vieille Américaine fortunée et excentrique (Bette Davis, rien que ça) qui méprise leurs stratagèmes. C'est drôle, cruel et particulièrement corrosif. Dans le même registre, ce cycle se terminera avec Affreux, sales et méchants de Scola. Est-il nécessaire de présenter cette œuvre mythique où une famille populaire dans un bidonville romain s'écharpe pour récupérer le magot planqué par le paternel, un despote tyrannique ? Scola, d'ordinaire plutôt tendre avec ses personnages, égale ici en férocité le Dino Risi des Monstres. Pour compléter ce programme, en plus du documentaire fleuve d'Antonioni sur La Chine, il faut signaler la reprise de Lucia et les gouapes, film rare de Pasquale Squitieri, trait d'union possible entre les cinéastes bis italiens de l'époque (Fernando Di Leo, Umberto Lenzi) et le cinéma politique de Francesco Rosi.

Un été italien
Jusqu'au 2 septembre au Comœdia


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Petites expositions, grands effets