La Nage du hanneton


Le vent souffle sur les grandes tentures rafistolées qui entourent la scène. Les murs d'une cabane de métal brinquebalante s'écrasent dans un vacarme assourdissant, un son gronde à nos oreilles ; la menace est à venir. Mais à qui est confronté James Thierrée ? Lui-même. Seul en scène pour la première fois, il se démène face à son double caché dans une encablure de «porte» ou dans un miroir qui le colle de trop près. Face à cette hostilité imaginée, le comédien-musicien-acrobate-metteur en scène-magicien (il n'y a pas de mention inutile) marmonne à défaut de parler et se met en marche. Au sens propre. Il tente d'activer ses jambes parfois désobéissantes, cherche à contrôler leur rythme quand elle s'emballent dans un mouvement saccadé rappelant les films muets de son grand-père, Charlie Chaplin. Il essaye de s'imposer à lui-même, de se faire respecter, lui Raoul, roi sans lambris doré. Plus encore qu'aérien, James Thierrée se fait aquatique. Il croise des créatures marines stupéfiantes, fidèle au bestiaire fantasmagorique propre à ses précédentes créations élaborées avec sa Compagnie du Hanneton. Même la carcasse d'oiseau semble être un poisson des abysses passé au microscope. Constamment en action, Thierrée joue aussi à nous cacher les ficelles de sa prestidigitation, dans un orgueil teinté de drôlerie. Et comme un ultime pied de nez, c'est avec une veste de cirque qu'il vient saluer une salle debout. Cet homme-là est un homme de spectacle. Un vrai.

Nadja Pobel

Raoul
À la Maison de la Danse jusqu'au 19 septembre.


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Par delà les frontières