Riddim rédemption

Festival / Collision des rythmes et mutation des genres, le festival de Jarring Effects impose sa vision alternative de l'électro. Trois nuits en marge du confort et du conformisme au Marché de Gros. Stéphanie Lopez


Cette année, les mauvaises langues qui prétendent que le Riddim rassemble trop souvent un public sorti du rayon bières de Lidl et des artistes aussi sexy qu'un cirque interlope de Groznyï seront priés d'aller cracher leur médisance ailleurs. Car cette onzième édition pourrait bien en remontrer à ceux qui daubent sur le dub en oubliant que Jarring est avant tout un label pluriel. Même si, «rootsitude» oblige, la soirée du vendredi restera dévolue au dub maison (High Tone, Twelve & Rico…) et aux sound systems d'obédience jamaïcaine, le reste de la programmation sort allègrement des sentiers battus par la génération sweat-treillis des petits-fils de King Tubby. Le hip-hop, notamment, se taillera la part du lion sur les deux scènes du samedi. De l'imprononçable K-The-I ??? aux inimitables performances buccales d'Under Kontrol (champions du monde du beatboxing), du bon vieux rap US d'Oddateee aux accents grime de Ben Sharpa, ce plateau «bass culture» proposera tout ce qu'il faut pour renouer avec l'ombilic du groove «pô pô pô». Mais la collision des rythmes ne se limitera pas cette année à un vaste panel de beats et de breaks, si représentatif soit-il de l'underground électrophile. Avis aux oreilles avides de sons inouïs, la soirée d'ouverture, jeudi 2 octobre, a de quoi satisfaire les plus exigeants chasseurs d'OVNIs.Sidérurgie esthétique
Rien que pour le spectacle de Von Magnet, cette troupe de cyber-gitans autoproclamée «électro-flamenco-mutants», il faut oser les castagnettes au Marché de Gros, venir applaudir la rencontre du goth' et du tribal, de l'éthnique et du métal. Trop rare sur scène, le cirque indus de Von Magnet envoie des performances qui crachent le feu, battent le fer, englobant toutes les facettes des arts vivants dans un show qui va bien au-delà du simple concert. Cabaret punk, cirque de rue, incantations théâtrales, danses soufis, vidéos, pyrotechnie… Leur spectacle est unique, total, inédit. Non moins spectaculaire, mais dans un registre plus solitaire, Pierre Bastien, en bon homme-orchestre mécanicien, mérite aussi qu'on prête un oeil attentif à son univers. Ce démiurge quinquagénaire est le créateur du fameux Mecanium, un orchestre composé de neuf machines qui reproduisent les sons d'instruments divers. Il faut imaginer une boîte à musique à ventre ouvert, flanquée de métronomes customisés, de robots Mécano et d'engrenages malmenés pour appréhender Pierre Bastien en bon marionnettiste de l'éphémère. Il tire les ficelles et la science travaille, l'industrie opère… Tout comme devraient opérer d'autres chirurgiens en musiques singulières, des dissections bruitistes de Pan Sonic aux greffes instrumentales d'Orka et Yann Tiersen (qui joueront de la «harpabole» et autres hybrides sur scène). L'occasion de se rappeler qu'au-delà de son esthétique gris-béton noir-gothique, le Riddim Collision porte haut les couleurs du métissage «cosmophonique».RIDDIM COLLISION
Au Marché de Gros, du 1er au 3 octobre.


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Déflagrations burlesques