Who is Woo ?

Danse / ‘La Storia', ‘Barrocco' : deux occasions de découvrir le travail, encore fragile et incertain, de la jeune compagnie de danse Woo. Dont l'intérêt réside justement dans la fragilité et l'incertitude... Jean-Emmanuel Denave


Si vous tapez «Woo» dans Google, vous avez de grandes chances de tomber sur John Woo, et finalement de bien tomber, tant ce cinéaste s'adonne à la chorégraphie et à l'envol ralenti de colombes. Mais c'est à un autre cinéaste, Frederico Fellini, que nous pensons en regardant ‘La Storia', pièce pour sept interprètes de l'Association Woo. Fellini, autre réalisateur chorégraphe, qui n'a pas son pareil pour enchevêtrer, éclater plusieurs histoires, plusieurs dimensions du récit. «La Storia est une succession d'histoires sans articulation narrative. Une fabrique d'images plurielles qui se recomposent sans cesse, modelées par l'énergie corollaire des corps et des riffs à la guitare», écrivent les Woo. Des guitares et des corps sur scène, des jeux de clairs-obscurs, une histoire d'ondes donc. Celles de la musique, du mouvement et de la lumière qui s'entrechoquent, se nourrissent l'une de l'autre. Et quand un corps, individuel ou collectif, est traversé d'ondes et de mouvements, cela ouvre la possibilité de défaire les codes, bousculer les identités, donner à voir le poème fragmentaire qui, par «en dessous», meut et émeut discours, figures, grammaire, poses, personnalités. La danse est en deçà des choses, elle est une ouverture, un je ne sais quoi toujours rétif aux stratifications. «La poésie dégagée enfin de tout appareil de scribe», écrivait Mallarmé, un «désœuvrement» écrit dans son ouvrage récent et passionnant Frédéric Pouillaude (Le Désœuvrement chorégraphique, Vrin, 2009).Chemins de traverse
«Nous construisons notre identité sur la base de ressorts qui relèvent souvent de la fiction et habillent notre mémoire. L'enjeu ici, c'est de traverser lucidement cet artifice», précisent encore les Woo. Nous avions découvert avec joie Jean-Emmanuel Belot et Ennio Sammarco (co-fondateurs de Woo) lors de la Biennale de la danse 2006 avec ‘Every Adidas has a story'. Une première pièce qui déconstruisait, avec humour et énergie, les codes et règles du sport médiatisé. ‘La Storia' est une traversée plus sombre, panique ou lente, confuse parfois, d'un certain nombre de codes fictionnels ou d'états individuels : western, show de variété, scène primitive, devenir animal... Cet effet de libre digression, qui à la fois perd et entraîne le spectateur, se retrouve dans une troisième pièce des Woo, le duo ‘Barrocco'. Soit, à l'origine, une perle en portugais présentant une irrégularité, un accroc dans le trop lisse de l'existence, et d'où découlera le terme baroque... Pour en revenir au très baroque et chorégraphique Fellini, rappelons ses propres mots : «La femme représente ce que nous n'avons pas, mais puisque nous ne savons pas ce que nous n'avons pas, nous projetons sur elle notre obscurité». Il suffit ici de remplacer la femme par la danse...Cie Woo :
La Storia au CCN de Rillieux-la-Pape, le 16 octobre
Barrocco à la Maison de la danse, du 5 au 7 novembre.


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