Voyage en Italie
publié dans Scènes par Dorotée Aznar le Lundi 12 octobre 2009
Théâtre / Laurent Pelly met en scène ‘Le Menteur' de Goldoni, une comédie grinçante comme il les aime. Et une grande réussite à découvrir au Théâtre Les Célestins.
Dorotée Aznar
Il sont peu nombreux les metteurs en scène qui savent donner des comédies de haute volée. Laurent Pelly est de ceux-là. Il aime quand ça faire rire, mais un peu jaune, quand ça pique derrière l'apparente douceur. ‘Le Menteur' de Goldoni était donc la pièce idéale. Le Docteur Balanzoni a deux filles à marier, Béatrice et Rosaura, la première courtisée par Ottavio, la seconde par le timide Florindo, élève du docteur. Mais l'arrivée de Lélio, un fils de marchand napolitain qui se fait passer pour un gentilhomme, va bouleverser les plans de chacun. De retour à Venise après vingt ans d'exil à Naples et un petit séjour à Rome, le jeune homme entreprend de séduire les deux filles du docteur avec force «inventions spirituelles». Les mensonges s'enchaînent et deviennent tellement énormes que l'intriguant Lélio ne peut finir que pris à son propre piège, amoureux et dépité... Coups de théâtre à répétition, quiproquos, situations absurdes, la pièce de Goldoni est drôle. Mais elle met également en scène des personnages sombres, légers, inconstants ou fous dont l'ambiguïté n'a rien à envier au menteur, coupable tout désigné.
À la perfectionPelly figure une Venise décadente, tantôt envahie par l'eau de la lagune, tantôt moite et grise, hébergeant sur ses trottoirs des petits escrocs sans envergure, à peine éclairés par les réverbères. L'empathie de Goldoni pour ses personnages se retrouve dans la mise en scène de Pelly. On ne peut qu'aimer cette bande de gentils minables qui ne parlent que d'amour mais n'en donnent jamais (ou dans l'excès, jusqu'au ridicule, à l'instar de Florindo). La nouvelle traduction d'Agathe Mélinand donne aux mots de Goldoni une force sur laquelle s'empresse de rebondir la troupe de Pelly. On rit beaucoup, séduit par la performance des comédiens (tous également justes, pas de jaloux), on ne s'ennuie à aucun moment (une performance, alors que la pièce dure 2h20) et on sort du théâtre avec l'envie de dire merci. Merci Pelly !
Le Menteur, ms Laurent PellyAu Théâtre Les Célestins jusqu'au 23 octobre.