Blog : Lumière, jour 1


On le sait, les ouvertures de festival ne sont pas ce qu'il y a de plus trépidant pour le cinéphile. The place to be est rarement the place to see et l'ouverture du festival Lumière n'a pas franchement dérogé à la règle, même si on a évité les scories les plus rasoirs du genre. À commencer par les discours des partenaires, dégagés avec humour par un Thierry Frémaux bondissant, toujours à l'aise dans son rôle de MC. Gérard Collomb lui a malgré tout forcé la main (et le micro) pour s'offrir un petit laïus d'une consternante banalité, qu'il pourra aisément recycler lors d'un prochain colloque international de chirurgiens proctologues. Passons aussi sur l'acoustique toujours aussi agréable de la Halle Tony Garnier, qui a transformé le morceau introductif d'Ennio Morricone en torture pour les tympans. Et, pour continuer sur les fausses notes, on se serait bien passé de la projection du court-métrage interactif Le Coq est mort, sorte de scie cinématographique ringarde reposant sur la reprise en canon d'une chanson qui, c'est la double peine du film, ne sortira plus jamais du crâne des spectateurs — j'ai vu le film il y a dix ans, je n'ai jamais pu me l'enlever de la tête ! Le hors-d'œuvre de cette soirée, c'était la liste prestigieuse des invités du festival, tous conviés à venir sur scène pour lancer officiellement le festival. À l'applaudimètre, les frères Dardenne et Agnès Varda font un bien meilleur score que Laurent Gerra — on est rassuré — mais la présence surprise d'Alfonso Cuaron, le génial réalisateur mexicain des Fils de l'homme (il y en a qui lisent ce blog sans l'avoir vu ? Qu'ils foncent acheter le DVD avant de continuer leur lecture !) est passée plutôt inaperçue. Kusturica ouvrait la liste, Claudia Cardinale la fermait, et ce n'est pas un hasard : on sent que c'est entre cette parenthèse-là (grand auteur international / actrice mythique) que Lumière veut inscrire sa première édition. Enfin, plat de résistance, la projection des films Lumière restaurés numériquement, commentée en direct par Thierry Frémaux. Une double démonstration, entre ces «premiers films» à la richesse il est vrai toujours aussi extraordinaire, et les interventions du directeur de l'Institut Lumière, qui sait les faire vivre et aimer à la perfection. Les habitués de l'Institut n'ont pas vraiment été dépaysés par l'exercice ; mais il était assez impressionnant de voir ce public (qui, dans sa majorité, découvrait les richesses de ce patrimoine Lumière) s'enthousiasmer devant ces œuvres remontant, pour la plupart, à la fin du XIXe siècle. Le cinéma est bel et bien un art, et Frémaux sait fort bien lui éviter une muséification mortifère. Il l'a prouvé, une fois de plus ! Voilà, le festival a commencé, mais c'est maintenant qu'il commence vraiment, avec le riche programme des films. On en recause dès demain matin !

Christophe Chabert


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