Drôle de drame

Opéra / "Don Juan" fascine le public, parfois à tort. Micro-trottoir avant l'entrée en salle et retour critique sur la version proposée à l'Opéra de Lyon, jusqu'au 25 octobre. Pascale Clavel


Don Giovanni est un opéra rempli à ras bord de tubes. Qui n'a pas un jour fredonné l'ouverture, siffloté jusqu'à l'étranglement l'air du catalogue de Leporello ou encore qui ne s'est jamais pris pour Don Giovanni lui-même ? Cet opéra est également pétri de comportements humains qui nous rappellent inévitablement les nôtres. Pour ces raisons, toutes simples, le public se presse, vient se mirer. Il se gargarise de n'être pas aussi ignoble que le héros, s'enorgueillit d'être tellement moins naïf que Dona Elvira. Étrangement, ce même public, souvent, vient écouter Don Giovanni sans se préoccuper ni de la mise en scène, ni de la direction, ni de la distribution. Expérience croustillante avant l'entrée en salle, nous questionnons : connaissez-vous le chef d'orchestre ? Le metteur en scène ? Les réponses sont à la hauteur de l'expérience : «Je viens parce que je connais» ou encore «Je ne viens jamais à l'opéra sauf pour Don Juan» ou bien «Mozart me fascine» mais rien, cette soirée-là sur l'interprétation. Don Juan plan plan
On a beau connaître par cœur cette partition, l'avoir entendue des centaines de fois, on reste ébloui par une action qui se noue très vite, on reste fasciné par ce que Mozart touche en nous par un air qui devient un duo, qui se transforme en trio, se poursuit en quatuor pour se terminer en un quintette d'une densité musicale exceptionnelle. Dans la production que propose l'Opéra de Lyon, tout est cohérent mais dans un certain consensus mou. Seule l'excellente direction de Christopher Moulds sort du lot et donne, dès les premières mesures, un tempo excessivement dynamique qui nous plonge directement au cœur de l'intrigue. Certains choix du metteur en scène Adrian Noble, qui n'en n'est pourtant pas à son premier Don Giovanni, sont discutables et surprenants. Pourquoi donc transposer l'action dans une Amérique des années 30 ? Pourquoi choisir un Don Juan si jeune quand on attend un homme qui a vécu mille aventures. Quant aux voix, si chacune a sa couleur et son charme, elles n'ont pas la puissance nécessaire et l'orchestre trop souvent les couvre. C'est du côté d'Andréas Bauer que vient la véritable satisfaction. Il campe un Commandeur puissant et hypnotique.Don Giovanni de Mozart
Direction : Christopher Moulds
À l'Opéra de Lyon jusqu'au 25 octobre.


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