Irène

De et avec Alain Cavalier (Fr, 1h20)


Irène est peut-être le plus beau film de l'année, et le meilleur de son cinéaste, du moins dans sa veine «autobiographique». Pourtant, c'est un objet à part, unique, précieux dans tous les sens du terme, c'est-à-dire rare et fragile. Irène, c'est la femme aimée par Cavalier, disparue tragiquement au milieu des années 70 alors que le cinéaste essayait de monter un film avec elle. Cavalier s'engouffre dans cette béance (une femme et un film fantômes) qu'il tente de matérialiser, trente-cinq ans plus tard, avec les moyens rudimentaires qu'il a adoptés depuis La Rencontre : un homme qui regarde et commente, seul derrière sa caméra, des bribes de réel. Alain cherche Irène dans son présent : il la trouve dans une photo de Sophie Marceau, dans l'appartement où ils ont vécu, dans le regard d'une oie, dans des traversins disposés comme les jambes écartées d'une femme… Il part sur ses traces, y risque sa vie — incroyable scène presque gore où il tombe dans les escaliers du métro — et après avoir longuement tourné autour, choisit d'affronter cette présence insaisissable. C'est une simple photo, révélée tardivement, de cette femme sublime, qui donne tout son sens à ce film d'amour fou, gai et triste, qui porte loin, longtemps, et redéfinit sans tapage le sens du mot «représentation».

CC


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