Promenade en Italie

La Ciné-collection met à l'honneur un chef-d'œuvre de la comédie italienne, ‘Le Fanfaron' de Dino Risi, où un timide étudiant s'encanaille un quinze août avec un truculent Romain, hâbleur et dragueur. Au bout de la ligne droite, une grande mélancolie… CC


Venu à Lyon parler de son premier film ‘La Grande Vie', Emmanuel Salinger payait son tribut à la comédie italienne, un cinéma qu'il qualifie de «populaire et ambitieux formellement». En France, où la critique a toujours préféré Rossellini et Visconti à Risi et Scola, un tel jugement fait plaisir à entendre. Car ce que les metteurs en scène italiens des années 60 et 70 ont su inventer, c'est justement un cinéma qui ne transige ni sur le plaisir du spectateur, ni sur son intégrité artistique. ‘Le Fanfaron', tourné en 1962, est un des films les plus emblématiques du mouvement. Dino Risi était encore au début de sa prolifique carrière (il n'avait pas encore entamé sa série de films à sketchs ‘Les Monstres', mais avait déjà signé quelques œuvres importantes comme ‘Il Veduvo' et ‘Une vie difficile') ; ‘Le Fanfaron' va la mettre sur les rails et influencé profondément le ton de ses films suivants.

Tragique farniente

Nous sommes à Rome un 15 août, jour férié et chômé, mais surtout jour de désœuvrement et de rues désertes. Bruno (Vittorio Gassman), cliché de l'Italien beau parleur, frimeur et dragueur, débarque par effraction dans la vie de Roberto (Jean-Louis Trintignant), étudiant en droit introverti qui voulait profiter de cette journée pour réviser ses examens. Bruno l'embarque dans une virée sans fin à travers les faubourgs de Rome, klaxonnant dans tous les sens avec sa Fiat décapotable lancée à toute vitesse, insultant les passants, livrant sa philosophie de l'existence (qui, de temps en temps, rejoint celle de Risi, voir l'hilarante saillie contre Antonioni !), branchant les filles qui passent… D'abord embarrassé par cet énergumène, Roberto va peu à peu se laisser griser par cette vie facile, cette perspective de jouissance décomplexée que lui, le puceau timide, a toujours refoulée. Si la comédie fonctionne admirablement, Risi glisse des indices du drame qui couve derrière l'allégresse. C'est un accident de voiture sanglant, le souvenir d'une idylle d'enfance, une bagarre évitée de justesse… Le génie du film est de donner l'impression de foncer tête baissée avec son personnage principal, tout en préservant des instants de mélancolie, comme si la réalité allait rattraper ces jeunes gens qui cherchent à la fuir. C'est ce qui est beau dans la comédie italienne : elle n'a peur ni de la tristesse, ni de la mort.

Le Fanfaron
De Dino Risi (1962, Ita, 1h45) avec Vittorio Gassman, Jean-Louis Trintignant…
Dans les salles du GRAC jusqu'au 23 novembre.


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