Ciel mon dindon !


Théâtre / L'œuvre de Feydeau possède ce paradoxe d'être extrêmement jouée et assez connue du public tout en demeurant surprenante (avec pourtant des ressorts comiques prévisibles ; il y a toujours un amant dans le placard). Explications. Une femme mariée est suivie dans la rue par un homme insistant qui compte bien en faire sa maîtresse. Chez elle, l'épouse fidèle se plaint à son mari d'avoir été lourdement courtisée. Caché dans un recoin, le zélé Pontagnac se rend compte qu'il a en fait tenté de mettre le grappin sur la femme de son ami Vatelin. Cet aspirant amant aurait pu rester mystérieux et l'intrigue aurait pu se nouer comme dans un marivaudage où chacun joue à être un autre. Mais Feydeau ne se contente pas d'un triangle amoureux, il convoque plus de quinze personnages et chacun d'entre eux a bien un cailloux dans sa chaussure, une attitude un peu honteuse qu'il n'assume pas vraiment. Chacun est le dindon de tous. Philippe Clément, metteur en scène et directeur du théâtre de l'Iris, s'adapte (plus qu'il n'adapte) avec habileté au rythme effréné de cette pièce en trois actes. Plus le récit avance, plus la cadence de jeu s'accélère, un des derniers changements de plateau se fait même sous les stroboscopes pour ne briser le flux de la narration. Dans un décor minimal et efficace, les comédiens semblent portés par la langue du dramaturge de boulevard alors au sommet de son art. «Le Dindon» est écrit en 1896, entre les grands succès que sont «Un fil à la patte» et «La Dame de chez Maxim». Bien sûr, jouer Feydeau aujourd'hui n'est pas une démarche très novatrice, mais il serait bien dommage de bouder son plaisir face à cette mise en scène énergique. Nadja PobelLe Dindon
Au théâtre de l'Iris à Villeurbanne jusqu'au mardi 19 décembre puis les samedi 30 et dimanche 31 décembre.


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