Noël en Marx

Fin d'année sous le signe des Marx brothers à l'Institut Lumière, où comment une fratrie de comiques est passée de Broadway aux écrans d'Hollywood pour faire trembler (de rire) le cadre étriqué des comédies de l'époque. CC


La scène la plus célèbre de tous les films tournés par les Marx brothers se trouve dans "Une Nuit à l'opéra" (1935). Reprenant le décor de "Monnaie de singe" (1931) où ils jouaient les passagers clandestins sur le Transatlantique, les voilà à nouveau dans une cabine de bateau. Au fil de la séquence, plusieurs femmes de chambre, des mécaniciens, une manucure, quatre serveurs aux bras chargés rentrent dans cet espace confiné, que la mise en scène de Sam Wood prend soin de montrer frontalement pour mieux en souligner les limites. Finalement, ils seront treize dans cette «cabine des Marx brothers», selon l'expression désignant depuis une pièce noire de monde. Le génie de cette scène, outre son exploit quasi forain, c'est que les Marx ne sont pas vraiment affectés par cette surpopulation incontrôlée ; ils conservent la caractérisation inflexible qui a fait leur gloire. Groucho rivalise de bons mots cigare à la bouche («C'est moi ou ça commence à être bondé par ici ?»), Harpo dort à poings fermés dans toutes les positions, Chico fait l'aller-retour entre l'un et l'autre avec force apartés… Quant à Zeppo, le beau gosse qui ne servait à rien sinon à valoriser le reste de la bande, il vient d'être débarqué définitivement du groupe !

Le génie à l'étroit

"Une nuit à l'Opéra" est le quatrième chef-d'œuvre tourné par les Marx Brothers. Le premier, "Monnaie de singe", manque encore de rythme dans la mise en scène (signée, comme le suivant, par Norman McLeod). On a le sentiment que les Marx sont encore bloqués dans un découpage et des cadres trop étroits pour leurs facéties ; "Plumes de cheval" (1932) compensera le problème en ajoutant quelques extérieurs, mais ce sera peu probant — le film est cependant à hurler de rire, les frères étant au sommet de leur forme. "La Soupe au canard" (1933) marque la rencontre avec Leo McCarey, immense réalisateur de "Elle et lui", qui va jouer de cette contrainte «classique» en valorisant au maximum l'agilité physique des Marx brothers. La scène de la cabine dans "Une nuit à l'opéra" est donc l'acmé de cette pertinente hypothèse : puisque le cinéma ne peut pas contenir la folie des Marx brothers, alors il faudra la faire rentrer au chausse-pied et à ras bord de l'écran. L'ultime film des Marx, "La Pèche au trésor", témoigne que le temps n'avait pas de prise sur eux (ils ne vieillissent pas, car ils n'ont jamais vraiment eu d'âge !). Mais le hasard du casting les confronte à une créature elle aussi 'bigger than life' qui, quelques années suivantes, fera à son tour craquer les coutures du cadre : Marylin Monroe elle-même, dans un de ses premiers rôles.


Noël avec les Marx brothers

À l'Institut Lumière, du mardi 22 décembre au 3 dimanche janvier.


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