Un groupe d'enfer


Rock / The Black Heart Procession, voilà sans doute le groupe à aller voir pour clore son année musicale. Car The Black Heart Procession est un groupe de saison, chez eux l'hiver dure toute l'année, et la nuit toute la journée. Ce qui pourra surprendre de la part d'un groupe originaire d'une ville – San Diego – où l'on passe généralement Noël en tong. Mais chez eux, point d'inclination au tube de l'été ou d'éloge du printemps. Point d'ambition d'agiter les corps avant usage. Longue déambulation aux accents gravissimes, le dernier, et magnifique, album de The Black Heart Procession, intitulé "Six", pourrait même carrément être la bande son de "La Route" – la vraie étant l'œuvre de Nick Cave –, le film adapté du chef d'œuvre post-apocalyptique de Cormac McCarthy. Et si le groupe est revenu au décompte chiffré de ses albums comme pour les trois premiers, "I", "II" et "III", ce n'est pas tant pour se simplifier la vie que pour s'amuser sans rire des possibilités démoniaques du chiffre 6. Croix à l'envers sur la pochette, triple «six» mal effacé, le clin d'œil au chiffre de la bête n'est pas fortuit, nous sommes ici en enfer. Sauf que dans cet enfer mid-tempo, bien plus enthousiasmant que tous les paradis, la bête immonde côtoierait Tom Waits ou Leonard Cohen, The National ou ces sacrés déconneurs de Tindersticks, prophètes en gravité et en poésie cryptique. «S'il y a un paradis rock, disait l'évangéliste Lester Bangs, ils doivent avoir un groupe d'enfer». The Black Heart Procession prouve avec classe que l'inverse est également vraie. Stéphane DuchêneThe Black Heart Procession
À l'Epicerie Moderne, vendredi 18 décembre
«Six» (Touch & Go)


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