L'Eau à la bouche

Cinéma / Dans le programme pléthorique de ce premier semestre 2010, un marabout-de-ficelle de films attendus, d'acteurs chéris et de cinéastes défendus depuis des années dans nos colonnes, tous à l'affiche entre janvier et mai. Christophe Chabert


Si en musique 2010 sera l'année Dutronc, au cinéma, ce sera l'année Gainsbourg. Grâce au biopic que le génial Joann Sfar lui consacre avec Eric Elmosnino, formidable acteur de théâtre vu notamment chez Lavaudant, dans le rôle du grand Serge, et qui s'annonce comme un choc de cette rentrée. Sfar, dont on apprécie les bandes dessinées mais aussi les incroyables carnets, ose le grand film d'auteur populaire, s'écartant des règles du genre en tentant de représenter avec un casting impressionnant mais aussi des créatures conçues par l'équipe espagnole qui avait imaginé celles du "Labyrinthe de Pan", les différentes personnalités de Gainsbourg. À voir dès le 20 janvier… Dans son "Variations Marilou", Gainsbourg provoquait l'hypnose des sens autour de l'"Alice" de Lewis Caroll ; mais c'est l'"Alice" de Tim Burton qui occupera les écrans à partir du 7 avril. Johnny Depp est, faut-il le préciser, de la partie, et le challenge pour le duo est de gommer le souvenir mitigé de "Sweeney Todd", en propulsant l'imaginaire baroque de Burton dans la troisième dimension — le film est le premier tourné par le cinéaste en 3D. Autre couple inséparable : celui formé par Leonardo Di Caprio et Martin Scorsese : "Shutter Island", adaptation du brillant polar de Dennis Lehane, est leur quatrième collaboration consécutive, et on attend le film avec impatience — d'autant que sa sortie a été repoussée in extremis d'octobre 2009 à février 2010. Retrouvailles aussi pour un des événements incontournables de cette rentrée : Morgan Freeman en Nelson Mandela dans le nouveau Clint Eastwood (dont la boulimie créatrice est en soi admirable), "Invictus". Ou comment le président sud-africain réussit, en 1994, à réconcilier blancs et noirs autour de leur équipe de rugby pendant la coupe du monde (le 13 janvier). Eastwood avait brillé dans notre top 10 de 2009 avec "Gran Torino" ; Nicolas Winding Refn aussi, grâce à son coup de boule "Bronson". C'était pourtant, de son propre aveu, une œuvre de commande qui lui permettait de mettre en chantier dans son Danemark natal le très personnel "Valhalla Rising" ("Le Guerrier silencieux", sortie le 10 mars), film épique et contemplatif porté par le toujours impressionnant Mads Mikelsen.

Qui est in ? Qui est out ?

Il y a quelques années, c'était un has been qui alimentait les colonnes faits-divers à Hollywood ; aujourd'hui, c'est l'acteur américain le plus en vue du moment… Robert Downey Jr portera deux blockbusters sur ses épaules à la rentrée : la suite attendue de "Iron Man" et le plus incertain "Sherlock Holmes" réalisé par Guy Ritchie, qui n'a pas filmé quelque chose de correct depuis "Snatch" (on verra ça respectivement le 28 avril et le 2 février). En vue aussi, l'ami George Clooney : on le retrouvera en chair et en os dans le premier rôle de "In the air", le nouveau Jason Reitman (Juno) déjà couvert d'éloges par la presse américaine (le 27 janvier) ; en revanche, ce sont les simples cordes vocales du beau George qui doublent le héros renard du premier film d'animation réalisé par notre chouchou Wes Anderson, "Fantastic Mister Fox" (le 17 février). Là encore, les premiers échos sont dithyrambiques… Anderson est un franc-tireur au sein de Hollywood, mais il a de la concurrence du côté des frères Coen : après une stupéfiante passe de deux en 2008 ("No country for old men" et "Burn after reading"), les revoilà avec un film sans star et sur un sujet original, une comédie noire intitulée "A serious man" (sortie le 20 janvier). À ne pas confondre avec le premier long-métrage du couturier Tom Ford, "A single man", avec un Colin Firth récompensé pour son interprétation au festival de Venise. Festival qui avait primé le film israélien "Lebanon" de Samuel Maoz (le 3 février), où la guerre du Liban vue depuis l'habitacle d'un tank. À Venise aussi, Fatih Akin dévoilait son nouveau film après l'impressionnant "De l'autre côté" : "Soul Kitchen" est, c'est une petite surprise, une comédie, longuement mûrie par le réalisateur de "Head on" (le 17 mars).

Un poison violent, c'est ça l'amour…

Pour terminer ce panorama, esquissons un petit tour du côté du cinéma français. On guettera par exemple le grand retour de Joël Séria (qui ne faisait que de la télévision depuis 23 ans) ; le mythique réalisateur des "Galettes de Pont-Aven" et de "Ne nous délivrez pas du mal" revient au grand écran avec "Mumu" le 24 mars. À surveiller de près, le quatrième long de Benoît Delépine et Gustave Kervern : les Grolandais ont embarqué Depardieu et Adjani dans leur "Mammuth" (le 21 avril), qu'on espère aussi explosif que "Louise-Michel". Quant à Pascal Thomas, il a convaincu Julien Doré de faire ses premiers pas comme acteur aux côtés de Marina Hands dans "Ensemble, nous allons vivre une grande histoire d'amour" (le 7 avril). Le même jour, Nicolas Boukhrief dévoilera son nouveau polar, "Les Gardiens de l'ordre", qu'on espère plus proche de son puissant "Convoyeur" que du mollasson "Cortex". Au rayon cinéma de genre français, la curiosité est de mise envers le premier long réalisé par Yannick Dahan (épaulé par Benjamin Rocher), "La Horde". Dahan, meilleur critique cinéma de France, s'est embarqué dans l'aventure risquée d'un film de zombies hexagonal. Est-il parvenu à ses fins ? Réponse — sanglante — le 10 février !


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