Bright star

De Jane Campion (ÉU-Ang, 1h59) avec Abbie Cornish, Ben Whishaw…


L'histoire d'amour entre le poète romantique John Keats et sa jeune voisine Fanny Brawne, amour d'abord hésitant, puis passionné et finalement tragique, semblait un sujet en or pour Jane Campion, un peu en déshérence depuis sa Palme d'or avec "La Leçon de piano". Mais "Bright star" repose sur une convention envahissante qui, si on la rejette, met le film par terre. Campion dénie à ses personnages le droit à la quotidienneté, et les fige dans un langage et des situations qui renvoient sans arrêt à leurs aspirations poétiques. Il y a quelque chose comme un cliché absolu à voir Keats et Brawne se réciter toutes les cinq minutes un poème en prenant un air pénétré, ou à les regarder se tourner autour, n'osant pas se rapprocher charnellement malgré leur évidente communion spirituelle. L'humour cynique à la Oscar Wilde apporté par le personnage de Brown, ami et négatif de Keats, sonne tout aussi artificiel… La mise en scène de Campion, corsetée jusqu'au pléonasme, accentue encore la sensation d'être devant la vision fantasmée d'une époque, comme peuvent l'être certains péplums où tous les personnages s'expriment avec des dialogues de tragédie antique. La cinéaste, autrefois chantre d'un sensualisme cinématographique troublant, ne regarde plus que l'éther des idées en cherchant la grâce des mots, oubliant au passage de les incarner — le chat Topper vole par exemple régulièrement la vedette aux deux comédiens principaux, tant il semble beaucoup plus libre et spontané !

CC


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Daniel Clarke, «J'ai passé une nuit entre la couleur et le papier»