Contes de l'âge d'or

Quatre films courts pour rire de la Roumanie sous Ceaucescu, par un collectif de cinéastes emmenés par le palmé Cristian Mungiu. Des contes très drôles, en effet… Christophe Chabert


Empruntant à la comédie italienne le principe du film à sketchs et puisant dans la nouvelle vague roumaine une poignée de réalisateurs doués (quoique inconnus au bataillon), Cristian Mungiu donne une suite inattendue à son excellent 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Auteur des scénarios de chaque segment, Mungiu en a aussi dirigé un, mais rien au générique ne vient indiquer lequel (on serait tenté de penser qu'il s'agit du premier, puisqu'on y retrouve son goût des plans-séquences et sa direction d'acteurs implacable). Mais ce jeu de devinettes s'efface vite face au plaisir de se laisser conter ces légendes de la Roumanie période Ceaucescu, où l'on faisait visiblement contre mauvaise fortune bon cœur. Contes de l'âge d'or est donc une série de quatre comédies réjouissantes tant sur la forme que sur le fond, un bout-à-bout qui illustre finalement assez bien ce que l'on aime dans le nouveau cinéma roumain : son humour tordu, son aisance à caster des acteurs à trogne sans que cela vire au pittoresque à la Kusturica, son regard lucide et amusé sur son Histoire… Mais aussi, et c'est la belle surprise du film, son envie d'un cinéma à la fois populaire et sophistiqué, fier de faire confiance dans l'intelligence du spectateur sans se réfugier dans un autisme auteurisant et hautain.

Zélotes z'idiots

Au gré des sketchs du film, on fait donc l'expérience de la bureaucratie tatillonne et profiteuse, du zèle aveugle des activistes obéissant aux ordres du parti jusqu'à en être pathétiques et de la difficulté à camoufler le plus ordinaire des larcins (tuer un cochon, opération délirante et laborieuse du troisième segment) comme s'il s'agissait de commettre le crime parfait… Le film vaut aussi par ses nombreux arrières plans, disséminés par le scénariste Mungiu avec une certaine malice, qui permettent ainsi de visiter une classe de collégiens, un petit village ou les coulisses du plus grand quotidien national roumain. Cette dernière partie, si elle n'est pas forcément la meilleure, est cependant celle qui interloquera le plus le spectateur français : comment ne pas voir, dans les ridicules desiderata des autorités pour truquer les photos et ramener le petit Ceaucescu à la hauteur de ses hôtes étrangers un parallèle involontaire avec des anecdotes bien connues concernant notre président actuel ? La distance du temps permet à nos cousins roumains d'en rire. Dans combien de temps pourrons-nous faire de même ?


<< article précédent
«Le cinéma flamand a de l’avenir»