Changement de métamorphose


Théâtre / Quand le Théâtre Mu, spécialisé dans le théâtre d'objets et la marionnette, applique ses méthodes à «La Métamorphose» de Franz Kafka, on est en droit de s'attendre à un spectacle étonnant. Et on n'est pas déçu. D'abord, il a ces marionnettes géantes (aussi grandes voire plus grandes que des hommes) mais fragiles de part leur transparence, manipulées à vue et qui prennent pourtant vie sous les yeux du spectateur, oubliant bien vite ceux qui les manipulent. Mais ensuite et surtout, il y a cette idée originale d'envisager la nouvelle de Kafka sous un autre angle : ici Gregor Samsa n'est pas un employé et fils modèle qui se transforme un matin en un horrible insecte ; il est une fourmi qui se réveille dans un corps d'humain, au grand désarroi de sa famille (d'insectes) avec laquelle il vit. Tout le caractère ridicule ou artificiel que pourrait générer ce parti pris est évité ; on se laisse aisément emporter par l'histoire, d'autant plus que, comme l'auteur, le metteur en scène s'intéresse principalement aux transformations que cette métamorphose va provoquer sur les membres de la famille. La famille, le travail, tous les lieux où s'exerce le pouvoir sont mis en accusation lors de cette extermination progressive du gêneur, symbolisée par le rétrécissement de l'espace vital octroyé à Grégor. L'homme étouffe dans son terrier où s'accumule ce dont les autres ne veulent plus, tandis que les insectes muent, que les rapports de force évoluent, dans une violence souvent contenue. Dorotée AznarLa Métamorphose
Au Théâtre de la Croix-Rousse du 26 au 30 janvier.


<< article précédent
Les Faux