Richard III outrenoir

THÉÂTRE / Au milieu des deux cent sept mises en scène d'un texte de Shakespeare visibles chaque année, celle de David Gauchard détonne, avec son "Richard III" urbain, musical et hypotonique. Aurélien Martinez


Après la claque "Hamlet, thème & variations" (présenté il y a deux ans à la Renaissance), on attendait non sans impatience la relecture par la compagnie L'unijambiste d'un autre monument shakespearien qu'est "Richard III". Quelle ne fut pas notre surprise : alors qu'on pensait logiquement que David Gauchard allait réutiliser les recettes qui lui avaient si bien réussi la fois précédente (à savoir mixer habilement la verve et la narration shakespeariennes aux sons très contemporains de l'électro et du hip-hop), on se retrouve face à une version on ne peut plus fidèle à l'œuvre originelle – là où dans "Hamlet" il se permettait de tout passer au shaker. Bien sûr, le metteur en scène conserve son univers artistique, mais il le met pleinement au service du texte retravaillé pour le plateau par le traducteur André Markowicz. Son "Richard III" devient alors un spectacle froid et tendu, qui hypnotise ceux qui acceptent de se laisser guider dans ce monde de folie.

Et je dis wii

Si David Gauchard conserve son équipe d'"Hamlet" (le rappeur Arm, plume et voix de Psykick Lyrikah, l'inclassable Robert le Magnifique ou encore le plasticien David Moreau), il embarque en route Olivier Mellano, guitariste entre autres de Dominique A et de Miossec. Le musicien livre ici une partition fascinante (composée en même temps que la mise en scène), devenant ainsi un troisième Richard III. Car David Gauchard a choisi de démultiplier son personnage principal, qui se retrouve doté de trois visages et de trois moyens d'expression : la guitare donc avec Mellano, mais aussi le flow avec Arm et l'incarnation corporelle avec l'excellent Vincent Mourion au jeu. Ce trio matérialise pleinement le côté sombre et complexe de Richard III, quasiment seul personnage sur le plateau et qui hante une scénographie d'un noir effrayant. Les autres, ceux qu'il trahira, n'apparaîtront que sur un écran vidéo, avec uniquement leurs contours, comme s'ils n'étaient déjà plus qu'un lointain souvenir dans l'esprit machiavélique du futur souverain.

Au final, David Gauchard livre ici une proposition forte et moderne (on adore la présence de manettes wii sur scène). Sans avoir peur d'être irrévérencieux, il embrasse pleinement le texte de Shakespeare pour en retenir sa substance moelle : la folie d'un homme enivré de pouvoir, qui assassinera femme, frères et neveux pour accéder au trône, mais qui finira lui aussi au tapis.

RICHARD III
Au Théâtre de la Renaissance (Oullins) du mardi 2 au samedi 6 février.


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