«L'art contemporain doit faire rire»

Entretien / Ben Vautier dit Ben, artiste trublion Propos recueillis par JED


Les limites de l'art

Ce qui m'intéresse c'est la question des limites de l'art, dans la postérité de Marcel Duchamp. Et j'ai toujours cherché ce qui peut être nouveau, ce qui peut choquer, étonner, pour exister et marquer ma différence. Avec Duchamp ou John Cage, tout peut devenir art. Aussi, j'ai pu par exemple signer des coups de pied dans le cul comme des œuvres. La limite de l'art, selon moi, c'est le suicide. 

L'exposition au musée

Dans cette rétrospective que j'ai intitulée «strip-tease intégral», je veux me montrer comme je suis et ne rien cacher. Pour moi, l'un des grands problèmes en art est celui de l'ego : je voudrais disséquer l'ego et montrer qu'il est toujours présent derrière les œuvres. L'histoire de l'art est une sorte de jungle pleine d'artistes qui avancent leur ego... La question de l'art est donc une question sur moi-même. Est-ce que, par exemple, je peins pour draguer les filles ? Je suis sexe-maniaque, le sexe est évidemment plus important pour moi que l'art. 

Les écritures peintes

Mes écritures tentent de toucher à la vérité et de poser des questions, vérité subjective certes. J'aurais aimé être un grand philosophe. Et je mets de l'humour partout car l'art contemporain doit faire rire. 

L'art contemporain et les «autres»

Le problème avec l'art contemporain c'est que c'est un piège, il récupère tout. Et si vous, journalistes, vous êtes là aujourd'hui, c'est aussi à cause de la communication du musée, des voyages de presse, etc. Ça flatte mon ego bien sûr... L'art contemporain a longtemps été une suite d'avants-gardes, mais toujours dans un même club indo-européen. Peut-être que le nouveau aujourd'hui réside dans l'art des Tibétains, des Dogons, des Inuits... Je défends les autochtones, la diversité culturelle est une chose très importante, je suis girondin et pas jacobin. Vous restez ethno-centristes malgré vous, il est toujours difficile d'entrer dans le monde des autres.


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Ben, bon bouffon