SPÉCIALES DEDICACES

Bande-dessinée / A l'orée du printemps, trois rendez-vous illustrent la vitalité graphique et thématique de la bande-dessinée contemporaine, de l'uchronie guerrière à la fable sociale réaliste. Un, surtout, est à ne pas manquer : l'accueil de Grazia La Padula et Tony Sandoval par la Fnac Part-Dieu. Benjamin Mialot


Joli doublé que la venue de l'Italienne Grazia La Padula et du Mexicain Tony Sandoval, dessinateurs dont les travaux dégagent une candeur et une fantaisie d'ordinaire plus répandues dans le secteur de l'illustration jeunesse que dans celui de l'art séquentiel. En cela, ils ne pouvaient trouver meilleur interlocuteur que l'éditeur Paquet et sa collection Blandice, réservée aux one-shots à forte personnalité graphique. Sandoval en est l'un des fers de lance et son petit dernier, Un regard par-dessus l'épaule, le conforte dans cette position : sans l'élégance de son trait et sa maîtrise du grand écart entre enfantillages et gore, cette histoire de gamin suivant un mystérieux homme en imper à travers visions d'horreur et tableaux oniriques serait de suite moins digeste. La faute au scénario de Pierre Paquet, qui voit de belles idées (des fées des fontaines vivant dans la crainte des jets de pièces des touristes, par exemple) et un ton très personnel plier sous le poids de métaphores lourdes de sens et d'une narration en mode freestyle. Lewis Carroll peut toutefois reposer en paix, la conclusion, inattendue et poignante, sauve la mise, nous évitant au passage de culpabiliser d'avoir vu en ce titre un digne cousin du Coraline de Neil Gaiman et Dave McKean.GRAZIA MILLE !
La Padula, quant à elle, défendra Le Jardin d'hiver. Ici aussi, rien de transcendant côté écriture, Renaud Dillies nous la jouant «Amélie Poulain sous Lexomil» en termes d'ambiance et d'enjeux en narrant l'éveil d'un type déshumanisé par sa grise cité au contact d'un vieux bonhomme le prenant pour son fils, d'un camé et de sa petite amie. En revanche, difficile de ne pas louer le jury qui a décerné à La Padula le prix Jeunes Talents au festival d'Angoulême en 2007: son rendu d'un environnement urbain morose et crasseux est on ne peut plus saisissant et ses personnages freaky d'une belle expressivité. Au point que, de mémoire de bédéphile, on n'a jamais été si scotché par des plans sur un plafond humide. De là à dire que sa carrière, de la même manière que celle Sandoval, mérite un suivi des plus attentifs, il n'y a qu'un pas vite franchi. On ne serait d'ailleurs pas étonné que leurs œuvres constituent un jour la matière première de films d'animation doux-amer façon Mary & Max.Grazia La Padula et Tony Sandoval
À la Fnac Part-Dieu, jeudi 18 mars
Un regard par-dessus l'épaule (Paquet)
Le Jardin d'hiver (Paquet)


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Dominique Gilliot & Grégoire Motte, «à un moment»