Le Superbe


Album / Il faut un certain culot pour intituler son album La Superbe quand on a déjà une réputation d'imbuvable qui pète plus haut que son cul et crache sur les copains. Ou pour ouvrir cet album d'un titre éponyme à la grandiloquence entretenue. Il faut ne pas avoir peur d'offrir son flanc au sacrifice de l'éreintement de la critique. Mais en martelant en guise de refrain désabusé «on la perd, on la gagne, la superbe», ce Benjamin Biolay à l'inspiration et aux humeurs en montagnes russes, sait de quoi il parle et retrouve la sienne, de superbe. Et comme tous ceux qui connaissent des pannes d'inspiration, quand il la retrouve, il lâche les vannes, les rênes et les violons. Pas vraiment freiné musicalement par son nouveau label Naïve, Biolay a fait tout ce qu'il a voulu et voulu tout et son contraire. Ca donne ce morceau d'ouverture, donc, La Superbe, qui nous réconcilie avec cette vieille lune fade qu'est devenu le trip-hop et ouvre les choses en grand. Album de variété au sens propre du terme, d'influence hip-hop comme pop (Prenons Le Large, très New Order, ou Reviens-mon amour patiné Smiths), La Superbe est un album roboratif mais jamais étouffant où Biolay creuse son écriture à l'os, quand la nudité des maux se consomme en crudité de mots, s'en repait sans affectation. Ironiquement, c'est quand, avec sa complice Jeanne Cherhal, dont la voix est ici un appel à tomber amoureux, il singe l'überquotidien tel que décortiqué par la nouvelle chanson française, qu'il est le plus touchant. C'est Brandt Rhapsodie, ping pong amoureux à base de post-it collés sur un frigo, comme fil de la relation d'un couple : coups de foudre, dîners en famille, liste de courses bio, factures, agacements à distance, médocs, rupture. Sorte de Je t'aime moi non plus quasi rappé pour kitchenette bobo, l'exercice de style est vertigineux et résume assez l'œuvre de cet arrangeur hors-pair et grand dérangé : entre grandiloquence et petites mesquineries, élans du cœur et micro-saloperies qui les foudroient. Avec toujours, les femmes comme fil rouge qui, telle Pénélope, font et défont le canevas d'illusions dans lesquelles Biolay invite son auditeur à perdre. SD« La Superbe » (Naïve)


<< article précédent
L’Impossible Monsieur B.B.