La faim et les moyens

---

Nous sommes en Autriche, au sud de la Carinthie, dans la demeure d'une comtesse. La vieille dame fortunée se pique de se faire appeler madame Schwartz mais ce n'est pas son unique lubie. Sous sa houlette, sa fille et son époux offrent le gîte et le couvert à des artistes sans le sou, en échange de leur docilité et de leur capacité à animer les repas de leur conversation. Les mécènes, mélanges de doux dingues désespérés et de manipulateurs sordides occupent leurs interminables journées en s'amusant avec des artistes oisifs, sous l'œil attentif de l'avocat de la famille, qui espère bien tirer son épingle du jeu de massacre. L'auteur de cette pièce, Peter Turrini, qui fut lui-même introduit dans ce milieu, apparaît dans la pièce sous les traits d'un jeune garçon obèse, qui ne réussit pas à fuir la fourmilière pendant qu'il en est encore temps. Chacun se sert de l'autre, l'utilise, le presse, à la recherche d'argent, de pouvoir, d'amour, d'inspiration ou d'activités ludiques pour occuper le temps qui le sépare de la mort.Du beau monde
Monter À la tombée de la nuit sans tomber dans la caricature n'est pas chose aisée. L'ancien nazi, le (ou les) pédophile(s), l'hystérique, le dépressif, les vendus et autres nuisibles… L'auteur propose un véritable musée des horreurs. Pour cette création, Gilles Chavassieux fait un pari risqué qui se révèle payant. L'infernale Madame Schwarz est interprétée par Jean-Claude Bolle-Reddat, hilarant en vieille tyrannique et cynique qui impose ses desiderata et garde un œil attentif sur les sauvages qui peuplent son domaine. C'est là la seule excentricité de Gilles Chavassieux, qui choisit de faire évoluer les monstrueux personnages de Turrini – par ailleurs très justement interprétés - dans un décor en bois clair, sobre et efficace permettant de se concentrer sur ce texte décapant et drôle que personne avant lui n'avait eu la bonne idée de mettre en scène. À la tombée de la nuit
Au Théâtre Les Ateliers jusqu'au jeudi 8 avril.

---