Tueurs de pellicule


Cinéma / Bonne pioche pour Quais du polar à l'Institut Lumière cette année : sur les sept films programmés — et présentés par des auteurs de polars, cinq sont des chefs-d'œuvre, piochés dans des époques et des esthétiques fort diverses — le polar au cinéma montre ici toute sa puissance de feu. Le thème choisi est celui des tueurs en série, genre qui, on l'avait vu au festival Lumière, est une tradition vieille de soixante ans dans le cinéma américain. Parmi les films présentés, commençons par Seven, puisqu'il a rarement été montré sur grand écran depuis sa sortie en 1995. David Fincher y faisait subir un lifting au genre aussi spectaculaire que celui orchestré par Jonathan Demme avec Le Silence des Agneaux : ambiance poisseuse et pluvieuse dans une ville sans nom filmée au futur antérieur par un cinéaste qui mettait toute sa science de clippeur au service d'une esthétique novatrice et d'un propos dérangeant où le tueur mène la danse et délivre, en bout de course, l'ambition morale et réflexive du film. Saut temporel deux décennies avant avec un autre film pionnier : L'Inspecteur Harry de Don Siegel. Inaugurant la mode du "vigilante-flick", Siegel et Eastwood jouent avec le feu en montrant un flic qui n'hésite pas à contourner la loi pour faire triompher sa propre conception de la justice. Mais ils le font avec suffisamment d'humour et de talent pour laisser le spectateur scotché à son fauteuil 95 minutes durant. Comme si tout bon film de tueur impliquait une forte dose d'ambiguïté morale, Hitchcock, grand pervers devant l'éternel, joue cette carte à fond les ballons dans L'Ombre d'un doute : Joseph Cotten est-il un brave américain un peu secret ou un tueur en série, comme le soupçonne sa nièce propre sur elle ? Enfin, il ne faudra pas rater la perle rare de cette programmation luxueuse : L'Étrangleur de Boston de Richard Fleischer, où le meurtrier (Tony Curtis), être psychologiquement fragile dont les motivations permettent au réalisateur un usage inédit du split screen, finit par être plus sympathique pour le spectateur que la lourde machinerie policière visant à le mettre hors d'état de nuire.

CC

Week-end Quais du polar
À l'Institut Lumière les vendredi 9, samedi 10 et dimanche 11 avril.


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