Noir en série

Tour d'horizon de la 6e édition du festival Quais du polar, qui broie à nouveau du noir grâce à une approche pluridisciplinaire et une programmation littéraire de très bon calibre. Yann Nicol


Comme chaque année, le noir est à l'honneur du festival Quais du polar qui, le temps d'un week-end, propose d'explorer les ramifications d'un genre qui s'inscrit aussi bien dans la littérature que dans le cinéma, le théâtre, les séries télés, la bande dessinée ou les livres jeunesse. Le jeune public se verra d'ailleurs proposer un vaste programme d'ateliers, de lectures, de rencontres et un parcours suspense (existe aussi en version adulte avec l'enquête grandeur nature dans les rues de Lyon), pendant que les moins jeunes se régaleront d'une programmation littéraire de qualité et d'une multitude de propositions annexes aux tables rondes qui se dérouleront au cœur du festival, au Palais du Commerce. Parmi les plus alléchantes, notons le week-end cinéma spécial «Tueurs en série» à l'Institut Lumière (voir encadré), mais aussi l'exposition consacrée à Edmond Locard, le travail chorégraphique de Julie Serpinet ou la projection de la mythique série The Wire au Modern'art Café. Côté bande dessinée, notons la présence de Pierre-Yves Gabrion et Efix, à qui l'on doit notamment le très beau Putain d'usine. Un prix BD sera aussi décerné, et on mettrait bien une petite pièce sur l'adaptation par Jacques Loustal d'une nouvelle méconnue de Dennis Lehane, Coronado, chez Casterman.Lieu du crime
C'est, pour la deuxième année, au Palais du Commerce que se tiendra le cœur du festival, avec de nombreuses conférences et rencontres littéraires autour d'une cinquantaine d'auteurs internationaux. Des débats qui prendront la forme de tables rondes thématiques, sur des sujets aussi divers que «Le roman d'espionnage à l'époque de Google Earth» avec notamment Boris Akounine et Tom Rob Smith, «Polars et grands espaces», avec entre autres Ron Rash et Don Winslow et «La ligue de l'imaginaire» en compagnie d'auteurs de thrillers à la française comme Maxime Chattam et Franck Thilliez. Il sera également question des héros du roman noir et de leur évolution, de l'impact de la crise sur l'écriture du polar, des liens entre littérature et fait divers… On retrouvera des rencontres plus intimes aux cafés littéraires organisés sur place, avec des duos d'écrivains, dont le très attendu dialogue entre le Sud-Africain Deon Meyer et l'Écossais Ian Rankin, père de l'Inspecteur Rebus (voir encadré). Ron Rash et Boris Akounine sont les locomotives des «délégations» russes et américaines, deux pays de polar qui seront à l'honneur pendant le festival avec des auteurs comme Alexandra Marinina et Larry Beinhart. Mais on retrouvera également les Anglo-saxons Mo Hayder et Jasper Fforde, l'Islandais Stefan Mani, et deux auteurs de BD étrangers, l'Espagnol Juan Diaz Canales et l'Italien Andrea MuttiPrincipaux suspects
Chez les Français, et outre les très connus Chattam, Loevenbruck ou Thilliez, on notera la présence de nombreux écrivains prometteurs, dont Fabrice Bourland (l'une des plumes de la série «Grands détectives», chez 10/18) ou Ingrid Astier, qui est entrée dans le noir par la grande porte puisque son premier roman a été publié à la Série Noire. Plus aguerri, le duo Bretin/Bonzon sort de ses sentiers fantastiques habituels avec Discount, un roman noir mêlant habilement le suspense, l'humour décapant et un regard acéré sur notre société de consommation, tandis que l'on retrouvera avec beaucoup de plaisir des écrivains qui ne sont pas étiquetés «polar», mais qui usent et détournent les codes du noir dans leur littérature «blanche». C'est le cas de Pierre Bayard et de Tanguy Viel, auteur d'un «roman de casse» inoubliable, L'Absolue perfection du crime. Pour finir, un petit mot des hommages qui seront rendus pendant le festival à deux auteurs disparus pendant l'année, Pascal Garnier et Thierry Jonquet. On vous a déjà beaucoup parlé du premier. Le second, militant forcené, est à l'origine d'un roman noir engagé et réaliste qui marqua profondément le néo polar «social» de la fin du XXe siècle. Malgré les polémiques ayant entouré quelques uns de ses romans, nombre de ses livres, comme Jours tranquilles à Belleville, Moloch ou Rouge c'est la vie, resteront des classiques du genre, quelque part entre Frédéric H. Fajardie et Jean-Patrick Manchette. Et si le festival Quais du polar était aussi l'occasion de (re)découvrir l'œuvre de ces deux figures charismatiques du polar français contemporain ?


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Une ville, un héros