La Comtesse

De et avec Julie Delpy (Fr-Ang-All, 1h34) avec Daniel Brühl, Anamaria Marinca…


Veuve d'un homme qu'elle n'avait pas choisi, la Comtesse Bathory déchaîne les passions dans la Hongrie du XVIIe siècle. On la dit froide, cruelle, calculatrice. On la sait riche et influente. Julie Delpy, actrice et metteur en scène de ce film visiblement très personnel, veut faire émerger la vérité de la Comtesse sans quitter la rumeur tragique que l'on colporte sur elle — elle sera accusée d'avoir fait égorger des vierges pour boire leur sang juvénile. Pour cela, Delpy décrit chaque personnage à travers le conflit entre son désir intime et sa posture publique : István, le trop jeune amant, fidèle mais instrumentalisé par un père qui se venge de la comtesse, qui l'avait rejeté ; Darvulia, prétendument sorcière mais avant tout amoureuse délaissée par Bathory… L'ambiguïté du récit tient à savoir si ce qui nous est raconté à l'écran reproduit une réalité ou la fable qui se développe autour de la comtesse. Quand celle-ci prend le pouvoir dans le récit, c'est surtout une femme libre, franche face à son désir et ses névroses, qui apparaît au spectateur. Mais cette vision-là est une hérésie aux yeux de l'aristocratie de l'époque… Joliment réalisé, le film faiblit un peu dans une dernière partie trop explicative et illustrative, alors que sa force tient avant tout à son mystère et à sa puissance d'évocation. Cette réserve faite, La Comtesse surprend par son ambition et sa maîtrise, plutôt rares dans les films réalisés par des acteurs français.

Christophe Chabert


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