Kick-ass

En cherchant à désacraliser la mythologie des super-héros et la fascination qu'elle inspire, Matthew Vaughn s'emmêle les pinceaux entre parodie et sérieux, stylisation fun et violence hard. Christophe Chabert


Dave Lisewski est un geek ordinaire : puceau, introverti et rudoyé par les bullies du quartier. Lassé de n'être à peu près rien aux yeux du monde, il se dit qu'après tout, il pourrait devenir un super-héros digne des comics qu'il vénère. Il achète donc un costume grotesque et descend faire régner la justice dans les rues sous le nom de Kick-ass. C'est d'abord un échec cuisant — il finit à l'hosto fracturé de partout — avant que la magie de Youtube et de Myspace (gros placement produit niveau nouvelles technologies !) ne lui permette de devenir une star du web… sur un malentendu bien sûr. Jusqu'ici, "Kick-ass", le nouveau film de Matthew Vaughn, co-scénariste des premiers Guy Ritchie et réalisateur du plaisant "Layer's cake", s'en tient à son programme de teen movie post-"Apatow". Puis, il fait débarquer dans le récit deux personnages franchement inquiétants : un père (Nicolas Cage, qui prolonge son come-back déjanté amorcé dans "Bad lieutenant") et sa fille de onze ans, adeptes des armes et de la justice personnelle. La première scène montre le papa tirant à bout portant sur sa progéniture pour tester un gilet pare-balles. L'humour très noir de la situation ne cache pas la violence du propos : on est là face à deux fachos fracassés, doubles inversés et terrifiants du sympathique et inconsistant Kick-ass.

M16 taille fillette

Le film va tenter maladroitement de tenir ensemble ces deux options : d'un côté, un regard distancié et parodique sur la fascination adolescente pour les super-héros — il le réussit assez bien quand il s'attarde sur le personnage de Red mist, fils du super-vilan de l'histoire incarné par l'excellent Christopher Mintz-Plasse, découvert dans "Supergrave" ; de l'autre, un regard d'autant plus acide qu'il s'exerce sur un mode rigolard concernant les racines réactionnaires d'une mythologie fondée sur la paranoïa sécuritaire et la dénonciation d'un état corrompu. Vaughn n'hésite pas à faire cohabiter une ultra-violence très réaliste et un ton potache assumé, bousculant le politiquement correct lorsqu'il montre une fillette qui dégomme à tour de bras une dizaine de mafieux en leur faisant sauter la cervelle ou en les démembrant sauvagement. "Kick-ass" échoue pourtant à dépasser les clichés qu'il prétendait tordre : le geek séduira la bombasse du lycée, la fillette psychopathe deviendra une gentille héroïne… Ce retour à la normale est décevant, car le film, malgré son côté fun et distrayant, semblait aspirer à autre chose qu'à ouvrir une porte vers une future franchise façon "Spider-man".


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