When you're strange

De Tom DiCillo (ÉU, 1h30) documentaire


En réalisant The Doors, Oliver Stone avait réalisé une OPA sur l'image du groupe et de son chanteur Jim Morrison, brassant clichés, légende et reconstitution dans un grand bazar figuratif. Le documentaire de Tom DiCillo, en revenant à la réalité des archives concernant le groupe, fait figure de rectificatif à ce biopic lourdaud. L'ascétisme du film, souligné par la voix blanche de Johnny Depp lisant le commentaire, permet de reprendre point par point les grands moments d'un groupe météore, né presque par accident de la rencontre entre deux étudiants en cinéma californiens, propulsé très vite en haut des charts, rattrapé par l'attitude scandaleuse du chanteur, envoyé dans le décor par ses pulsions autodestructrices. When you're strange étonne donc par sa neutralité, qui vire souvent à l'absence complète de point de vue, balayant la musique des Doors comme un grand juke-box sans jamais s'arrêter ni sur le sens, ni sur la valeur de l'œuvre. Il y a pourtant une piste passionnante dans le film : les rushs d'une fiction expérimentale tournée par Paul Ferrara, un camarade de fac de Morrison, où le chanteur y devient le héros d'un road movie psychédélique. DiCillo empoigne cette matière comme si Morrison y jouait son propre rôle, et pousse le bouchon jusqu'à lui faire entendre à la radio sa propre mort ! Ce mensonge cinématographique dit peut-être la vérité profonde de Morrison : un homme partagé intimement entre son statut d'icône et un profond mal-être existentiel.
CC


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