Fin de partie

Théâtre / Avec leur dernière création, Jérôme Deschamp et Macha Makeïeff convient les spectateurs à un concours musical dans une triste "Salle des fêtes". Où l'on retrouve leur savoir-faire mais aussi de trop nombreuses scènes caricaturales. Nadja Pobel


Depuis plus de trente ans et leur première création "La Famille Deschiens" dans le théâtre d'Ivry dirigé par Antoine Vitez, Jérôme Deschamp et Macha Makeïeff décortiquent les vies des gens qui ne savent pas s'exprimer, quand ils n'adaptent pas des classiques qui leur vont comme un gant ("L'Affaire de la rue de Lourcine" de Labiche ouvrait la saison des Célestins il y a quatre ans). La matière textuelle de leurs pièces n'est pas à proprement parler un récit mais plutôt une suite de saynètes dans lesquelles un personnage se débrouille avec les moyens du bord pour transmettre une émotion ou, plus souvent, pour témoigner de sa solitude. Dans "Salle des fêtes", Lorella Cravotta est la patronne du Macumba, une salle désertée. Elle veut qu'on l'embrasse, mais personne ne répond à son désir. Et lorsque deux autres personnages égarés lui proposent un peu de tendresse, elle fait mine d'accepter leur amitié avant de les houspiller et de les sortir sans ménagement du plateau. Dans ces moments-là, où les protagonistes semblent marcher sur un fil, on retrouve le savoir-faire de la troupe, sa capacité à regarder les personnages les juger, à créer de douces situations absurdes. Tout comme lorsque Deschamps et Makeïeff transforment des micro outils de travail en symbole de pouvoir : Lorella Cravotta utilise frénétiquement son tampon administratif ou dévide le rouleau de sa calculette pour compter combien font quatre fois un...

Bienvenue au zoo

Ces observations des failles humaines ne sont malheureusement que de courts intermèdes entre de longues et nombreuses scènes de chant qui succèdent façon catalogue des styles musicaux existants. Et à chaque genre correspond une image non pas parodique mais caricaturale : le chanteur rock grunge joue Nirvana les cheveux dans les yeux, le hip-hop se pratique en capuche, fredonner du reggae engendre forcément de fumer un pétard qui met dans un état second avec, si possible, une casquette aux couleurs de la Jamaïque vissée sur la tête, la jeune chanteuse à la guitare sèche semble sortir de sa ferme du Larzac... Dave, les Rita Mitsouko et bien évidemment Johnny sont conviés à ce concours de chant interminable. À de rares instants, ces séquences musicales poussent Jérôme Deschamp et Macha Makeïeff à inventer une gestuelle loin du mime, comme lorsque les apprentis rappeurs font mine de mixer ou scratcher des vinyles sur des sets de table. Les metteurs en scène retrouvent alors leur créativité. Mais les scènes chorégraphiées, fussent-elles bien interprétées par des comédiens dévouées dans des costumes bariolés impeccables, tournent à vide.

Salle des fêtes
Au Théâtre des Célestins, jusqu'au dimanche 13 juin.


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