Baisers violés


Théâtre / Attention talent ! La jeune compagnie Cavalcade, originaire de la région parisienne et fondée il y a onze ans, a pris l'habitude de travailler sur des textes incisifs et froids comme "L'Amante anglaise" de Duras ou "Roberto Zucco" de Koltès. Cette saison, la metteur en scène Sylvia Bruyant ne déroge pas à cette ligne de conduite en choisissant d'adapter "Le Baiser de la veuve" du très prolifique Israel Horovitz. Dans une Amérique profonde désenchantée gangrénée par la crise économique et le chômage, deux amis travaillent dans une usine qui compacte les papiers usés. En bleu de travail, ils traînent leur peine d'ouvriers et s'ennuyent ferme. Quand surgit Betty, une ancienne du lycée. Elle est tout ce qu'ils ne sont pas : elle est instruite, est allée à l'université et a même fait des enfants car, dit-elle : «c'est possible de faire les deux». Rapidement, Horovitz laisse entendre que ces douces retrouvailles masquent un passé commun cauchemardesque... Sylvia Bruyant, qui incarne Betty avec une variation de jeu remarquable, a su s'entourer de deux comédiens impeccables, l'un pour interpréter une force brute sans remords et l'autre pour tenter d'adoucir les angles sans jamais y parvenir. La grande réussite de cette mise en scène est d'avoir su faire entendre une écriture à vif et de ne pas avoir chercher à l'édulcorer. Sans jamais accabler ou au contraire excuser ses protagonistes, Horovitz, comme Sylvia Bruyant, ont su fabriquer des personnages plein d'humanité malgré leurs (immenses) erreurs de parcours.
Nadja PobelLe Baiser de la veuve
Au Théâtre de l'Intervalle, jusqu'au dimanche 20 juin (puis au festival d'Avignon cet été).


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