«Un appel à la découverte»

Entretien / Patrice Papelard, directeur artistique «pas pareil» des Invites de Villeurbanne, présente la huitième édition du festival gratuit de Villeurbanne. Propos recueillis par Dorotée Aznar


Petit Bulletin : Comment définiriez-vous les Invites aujourd'hui ?
Patrice Papelard :
Les Invites ont huit ans. Nous sommes un festival installé et reconnu, aussi bien localement que nationalement.On a reproché aux Invites de coûter trop cher à Villeurbanne, que répondez-vous ?
Vous faites sans doute référence aux attaques que nous lance l'opposition, comme chaque année d'ailleurs, c'est désormais une tradition … Ma réponse est non, les Invites ne coûtent pas trop cher. Il faut voir à quoi sert l'argent et arrêter de faire du populisme. Les Invites coûtent 900 000 euros, c'est-à-dire le prix d'une place de cinéma par habitant. Après, on peut se demander combien coûte l'organisation d'élections communales, combien coûte un voyage officiel, combien coûte la rénovation du TNP ? 900 000 euros, c'est en deçà du budget d'un certain nombre de festivals. Et il faut ajouter que sur les 900 000 euros investis, 80% servent à payer des salaires. L'artistique ne représente que 20 %. Les Invites sont une PME. Vous n'avez aucun financement privé, c'est peut-être également ce qui vous est reproché.
Bien sûr que c'est ça ! Le problème, c'est de trouver du sponsoring sans recette. Nous sommes un festival gratuit. Souvent, les partenaires privés achètent des places dans les festivals pour inviter leurs salariés, leurs clients… Aux Invites, c'est impossible. De plus, dans un événement produit par une ville, on ne peut pas communiquer sur l'alcool… Et nous ne voulons pas non plus que des entreprises affichent leurs banderoles sur l'Hôtel de ville… Mais vous cherchez des sponsors ?
D'une certaine façon, nous avons déjà des sponsors qui nous fournissent de la marchandise. L'entrepreneur qui me fait les t-shirts cette année me demande la moitié de ce que cela coûte réellement. Un constructeur automobile nous fournit des véhicules neufs pendant tout le festival depuis huit ans... Et j'ai entendu une phrase que j'ai envie de prendre à mon compte : on demande toujours à un événement combien il coûte, on ne se demande jamais combien il rapporte.Et qu'est-ce que cela rapporte justement ?
Un public ! Aider des gens à découvrir des spectacles, du théâtre, des transformations urbaines, les confronter à l'art contemporain, à l'art éphémère, avec de l'ambition. Cela semble banal, mais c'est le travail que nous faisons et auquel on croit.Le public des Invites est-il composé en majorité de Villeurbannais ?
On n'a jamais fait d'audit. Mais quand 4500 personnes se réunissent pour un repas de quartier, ce sont évidemment des Villeurbannais. Quand on organise des spectacles dans le centre-ville, on a une mixité absolument incroyable : du public amateur des arts de la rue, des habitants des quartiers de Villeurbanne et des gens d'ailleurs. Les Invites est-il un festival socioculturel ?
Je ne réponds pas à ce mot-là. Il y a une ambition politique d'accès à la culture pour tous. Les Invites sont un des miroirs de ce qui se passe à Villeurbanne toute l'année. Les Invites, c'est un projet commun, une fête pour tous qui dynamise ce qui existe. Il y a treize lieux de spectacles pendant le festival. Quand un spectacle est présenté dans un quartier, son arrivée a été préparée, on a travaillé en amont avec les habitants. Mon rôle n'est pas social, mais citoyen. L'artiste est là pour poser des questions, pas pour résoudre les problèmes. Avez-vous pour objectif d'attirer le public sur les noms des artistes programmés ?
Aujourd'hui, il y a un public qui se déplace sur le nom de compagnies d'arts de la rue, mais il est minoritaire. Les Invites lancent un appel à la découverte. La majorité des gens vient par curiosité en nous faisant confiance. On sait que, cette année, vous avez tenu à souligner que les artistes connus étaient «trop chers» et que vous souhaitiez vous concentrer sur la découverte.
Que le festival soit gratuit ou payant, ce n'est pas le problème de l'artiste. Lui, il fait des dates et c'est tout. Effectivement nous allons privilégier la découverte, mais c'est ce que nous avons toujours fait. On a programmé Camille avant qu'elle n'explose, cette année, nous avons Bomba Estéreo qui va être une bombe… Et je ne pense pas que 2010 soit une édition sans tête d'affiche.Plus que l'absence de tête d'affiches, on pourrait vous reprocher de programmer des groupes qui sont passés il y a peu de temps à Lyon.
Qui est passé à Lyon il y a peu ? Slow Joe d'accord… Mais combien de personnes l'ont vu ? BLK JKS passe à Villeurbanne cet été et ne repasse pas en France ensuite… Il y a quinze groupes qui sont programmés aux Invites et dont cinq qui sont déjà passés à Lyon cette année. Ce n'est pas la majorité ! Nous avons de la salsa pour la première fois avec le New York Salsa all stars. Je défie quiconque de l'avoir vu en concert gratuit ! Notre objectif est que le maximum de personnes voient des nouveaux groupes. Mais, évidemment, la gratuité fait que nous sommes conditionnés par le marché et par le coût des cachets des artistes. Je ne peux pas faire venir des groupes de quinze personnes s'ils n'ont pas d'autre date prévue en Europe, car je n'en ai tout simplement pas les moyens. Mais ce qui est étonnant, c'est que la presse culturelle ne m'interroge presque que sur la musique alors que Les Invites ce sont également un environnement et un accent. Parlez-nous de cet environnement…
Les Invites, c'est un festival pendant lequel on peut manger et boire pour pas cher, venir avec ses enfants. Les Invites ne sont pas qu'une programmation de festival.


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